CXX – 120
Pau, mars 1879
A M. P.
Bien cher frère,
Il ne faut pas vous étonner si j’ai mis tant de temps à répondre à votre lettre, non seulement je n’ai presque pas un moment à moi, mais quelquefois ma tête n’y tient plus ; mais, grâce à Dieu, notre œuvre avance, je l’espère. La moitié de la Bible est traduite, et j’espère, avec un soin qui ne laissera que peu à désirer, non que je sois content, je me contente rarement, et il se trouve des passages qui embarrassent tout le monde, mais le lecteur ne s’en aperçoit guère.
Nous avons tous pris part à votre maladie ; vous avez aussi manqué, je le crains, de soins. Quant à moi, je rends témoignage à nos bons amis du Nivernais et du Dauphiné de ce qu’ils étaient tous, et toujours, disposés à faire tout ce qu’ils pouvaient, et tout ce que l’hospitalité la plus fraternelle pouvait suggérer ; je m’en souviens toujours avec beaucoup de reconnaissance et d’affection.
Nous avons eu ici une très bonne conférence ; les frères heureux ensemble, et j’espère pleinement que, par la grâce, les traces s’en retrouveront dans l’œuvre qui se fait autour de nous.
Dans la Charente, il y a du bien, des conversions chez les catholiques romains.
Dans la Haute -Loire aussi il y a eu de la bénédiction. En Italie, il paraît que l’œuvre est, quoique lentement, en progrès.
Il y a, en France, un mouvement assez général dans les esprits des catholiques pour entendre la Parole ; c’est une goutte d’eau, si l’on tient compte du nombre, mais cela n’existait pas du tout il y a quelques années.
Je vous écris ces choses, parce que je pense que vous aimez à avoir quelques nouvelles de ce pays. Dieu agit dans le monde. Nous avons sa Parole – quelle grâce ! – Nous avons son Esprit, quelle grâce encore ! Les arrhes d’une grâce encore meilleure, sa présence éternelle ; saints, irrépréhensibles devant lui, en amour, semblables à Christ, et avec Christ ; que pourrait-on désirer de plus ! Et il se révèle à nous maintenant ; il répand son amour dans nos cœurs. Nous avons tout, sauf la gloire elle-même, mais encore dans un vase d’argile ; seulement le voile diminue de plus en plus d’épaisseur. Bientôt il n’y aura point d’obstacle, mais les exercices d’ici-bas sont l’occasion de beaucoup de tendres sollicitudes d’amour. Lui ne manque jamais.
M. et Mme S. sont très pauvre de santé, mais Il fait contribuer toutes choses au bien de ceux qui l’aiment.
Paix vous soit, cher frère, et que Dieu vous conduise et vous garde.
En Europe, l’hiver a été bien rude et partout on est dans la détresse quant au temporel. Ici, les pluies, les tempêtes et les inondations. J’ai souffert du lombago et je me traîne encore un peu, mais je travaille toujours.
Saluez les frères.
Votre toujours affectionné en Jésus.
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Category: Français
J N Darby – Lettre No. 119
Lausanne, juillet 1878
A M. P.
Bien-aimé frère,
Je me réjouis de tout mon cœur et de toute manière de la bénédiction que Dieu vous accorde à M.
J’ai, grâces à Dieu de bonnes nouvelles de tous côtés des Etats-Unis. De Rome en Géorgie et de la contrée environnante, on me mande que la parole a été bénie. L. y travaille ; Lord A.C. les a visités ; il y a deux ou trois nouvelles réunions, outre Rome. En Pennsylvanie aussi, il y a eu des bénédictions et les portes sont largement ouvertes.
Moi, j’ai été principalement occupé des conférences à Londres, Elberfeld, Stuttgart, Zurich, Lausanne, etc., et j’ai trouvé le Seigneur avec moi. Et maintenant, cher frère, tout réjouis que nous soyons rien, et si heureux de n’être rien. Oh ! qu’il soit tout pour notre cœur. Notre grande affaire, c’est de retourner à Guilgal après nos victoires, au lieu où le cœur est en ordre devant Dieu. Ni le désert, ni Guilgal, ne font partie des conseils de Dieu, mais de ses voies, afin que, d’un côté, nous nous connaissions nous-mêmes, et d’un autre, que nous soyons tenus dans un état propre pour son service. Oui, tenons-nous près de lui, oubliant les choses qui sont derrière nous, et tendant avec effort aux choses qui sont devant, courant toujours, jusqu’à ce qu’il vienne nous prendre pour être là où il est, et où tout sera à sa gloire.
Que Dieu vous garde et vous bénisse. Tous les frères s’intéressent à votre travail.
Votre affectionné en Jésus.
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J N Darby – Lettre No. 118
Elberfeld, 4 mai 1878
A M. P.
Bien cher frère,
Je ne me hâterais pas de rompre le pain à X. Aussi longtemps que vous serez là, cela peut aller, mais jeunes comme ils sont dans la foi, quand vous serez éloigné, le manque d’expérience se fera sentir. Ce n’est pas comme de vieux chrétiens exercés quant à la marche. Je ne doute pas que, s’ils étaient simples, Dieu les garderait ; il est toujours fidèle, mais il faut suivre ses voies. Puis, quand même vous êtes là, rompre le pain, c’est entrer tout de suite en conflit, et bien qu’on ne doive pas éviter le témoignage pour éviter le combat, ce serait être infidèle que de faire ainsi, et être en danger de perdre la bénédiction. Toutefois, c’est quand le filet est plein et qu’on l’a tiré sur le rivage, qu’on commence à mettre les bons poissons dans des vaisseaux. Mais en ceci, Dieu vous conduira. Il faut laisser les mauvais poissons sur le rivage après tout, on n’aura jamais le monde avec soi si l’on est fidèle. Seulement Dieu a son temps pour tout. Quant à l’heure du culte, je ne crois pas que cela fasse une différence quelconque. Au commencement c’était en général le soir, à ce qu’il paraît.
Je suis bien aise que Dieu vous ait amené là où il vous a préparé la bénédiction et une porte ouverte. A l’heure qu’il est il agit partout. Nous sommes dans les derniers temps. L’incrédulité déborde, mais en même temps Dieu déploie son étendard et agit partout. Ici, en Allemagne, il y a de nombreuses conversions. Sur les frontières, et même dans l’intérieur de la Russie, il y en a aussi. Peut-être verrai-je les frères en France. Je suis ici pour une conférence, mais naturellement, en attendant, je prends part à l’œuvre et je lis la Parole avec ceux qui sont arrivés avant le jour fixé pour la réunion.
Nous avons été occupés de la différence entre la mer Rouge et le Jourdain, en rapport avec l’épître aux Romains, et celles aux Ephésiens et aux Colossiens, et la Parole s’est merveilleusement ouverte, au moins pour moi. Dans l’épître aux Romains, nous avons essentiellement l’œuvre de Dieu, en réponse aux besoins des hommes pécheurs : alors tout est grâce. Le Saint-Esprit raisonne en déduisant tout de la grâce qui produit ses conséquences jusque dans la vie et la justification. L’homme est en Christ et Christ est dans l’homme mais nous sommes ainsi morts au péché. Seulement, l’homme est envisagé comme vivant encore dans ce monde, mais se tenant pour mort quant au péché. Dans les Ephésiens, tout est une nouvelle création ; on est non seulement en Christ pour le salut, mais en lui par rapport à l’endroit où il est entré. Ce sont les conseils de Dieu, et les relations dans lesquelles nous nous trouvons selon ces conseils ; nous sommes en Christ là où il est. Christ est envisagé comme ressuscité d’entre les morts, et nous comme morts dans nos péchés, en sorte qu’il n’existait plus rien moralement, et tout est nouvelle création. La responsabilité d’un homme vivant n’est pas en question ici. Dans les Colossiens, ce n’est pas nous en Christ, mais Christ en nous. Nous sommes subjectivement rendus propres pour l’héritage, mais nous l’attendons ; nous sommes morts ressuscités, nous qui autrefois vivions dans le péché, circoncis de la vraie circoncision de Christ, morts aux éléments de ce monde, ce qui n’est pas dit dans l’épître aux Romains. Dans les Colossiens, la question reste : l’homme tiendra-t-il bon jusqu’à la fin ? parce qu’il n’est pas encore dans le ciel, c’est-à-dire dans la position décrite par l’épître. Dans l’épître aux Romains, c’est l’œuvre de Dieu, et Celui qui l’a commencée, l’achèvera. Dans les Colossiens, c’est notre vie ressuscités ici-bas ; reste à savoir si nous sommes vraiment tels. La position dans l’épître aux Romains, c’est l’effet de la mer Rouge, la délivrance par le salut de Dieu, salut parfait en soi. La position dans les Colossiens, est un peu selon celle dans laquelle Christ se trouvait après sa résurrection pendant les 40 jours ; pour nous mort, résurrection, circoncision, avec lui (2 v.11,12) ; puis de morts rendus vivants, mais les conséquences ne sont pas suivies jusque dans le ciel. Le Saint-Esprit ne se trouve pas dans cette épître (sauf 1 v.8), mais la vie plus qu’en d’autres.
Dans les Ephésiens, c’est le Saint-Esprit et le contraste de la nouvelle avec l’ancienne création.
Dans les Romains, nous devons nous donner à Dieu comme hommes vivants sur la terre ; en Colossiens, avoir, comme morts et ressuscités, nos affections fixées sur les choses célestes où Christ se trouve ; dans les Ephésiens, sortir de la présence de Dieu pour manifester ici-bas son caractère comme amour et lumière, ainsi que Christ l’a fait.
Ayant la tête fatiguée, j’indique seulement les points qui peuvent vous donner à réfléchir, car tout cela a été passablement développé ici.
Je crois que je vous ai dit que le désert ne fait pas partie des conseils de Dieu (Ex.3, 6, 15) ; mais les voies de Dieu. (Deut.8). L’histoire en est donnée jusqu’à la fin de Nombres 20, cela se lie à ce que je viens de dire des trois épîtres.
J’ai de bonnes nouvelles du Béarn ; la vie se ranime chez les frères.
Mon banquier a fait faillite et j’ai perdu à peu près 9’000 francs, mais cela va bien ; j’en ai retiré plus que je ne pensais.
Votre bien affectionné en Christ.
J N Darby – Lettre No. 117
Londres, 2 mars 1878
A M. P.
Bien cher frère,
Je bénis Dieu de tout mon cœur, de ce que ceux auxquels vous aviez été en bénédiction sont restés fermes. C’est un vrai sujet de joie, spécialement dans ces temps-ci où il y a tant de semence qui tombe sur des sols pierreux, et, je le crains bien, où la semence même n’est guère bonne. C’est le temps où nous avons à être beaucoup avec Dieu pour qu’il soigne lui-même l’œuvre, et agisse dans les âmes afin que l’œuvre soit solide. Toutefois, c’est un temps de bénédiction. Le désir d’entendre la Parole est frappant ; aussi les conversions ne manquent pas. Les institutions ecclésiastiques s’ébranlent, et il y a malaise partout, mais l’œuvre de Dieu se fait, et ce malaise fait chercher Dieu et la vérité à plusieurs. L’ébranlement de tout, tourne aussi les cœurs davantage vers la venue du Sauveur, mais l’incrédulité porte le front haut. Cependant, j’ai un peu le sentiment qu’il y a une certaine réaction dans l’esprit des gens de bien, mais cette incrédulité ouverte envahit tous les pays.
J’ai examiné les prétentions de ses promoteurs, je les trouve fondées sur un marécage sans fond de doutes. Les deux points capitaux sont la négation de l’inspiration, et soit l’annihilation, soit une recrudescence de l’universalisme, l’annihilation étant le jeu de l’esprit de l’homme qui ne se soumet pas à la parole de Dieu. Cela se reproduit de manière à captiver les esprits légers et fainéants et les femmes, gens disposés à s’amuser et à se soustraire à l’autorité de la parole de Dieu, ou bien à paraître aimables envers ceux qui s’opposent formellement. L’universalisme est au fond la question de l’estimation que nous faisons du péché, et par conséquent de la rédemption et de ce qu’il a coûté au Seigneur d’en faire l’abolition par le sacrifice de lui-même ; de cette manière, le christianisme tout entier s’en va, la responsabilité dans son vrai caractère, la repentance, l’expiation. Une bête, toute intelligente qu’elle soit, n’a pas besoin d’expiation, n’a pas une nature qui haïsse le Seigneur. L’universalisme, comme l’annihilation, détruit également le christianisme et la conviction du mal du péché dans l’âme. La chose importante pour nous, cher frère, c’est que nous soyons plus avec le Seigneur qu’avec l’œuvre ; alors l’œuvre part de lui dans l’âme et elle est pour lui. Ne soyons pas effrayés par le progrès du mal, Lui est au-dessus de tout, il l’a été dans son humiliation ; il l’est maintenant qu’il est glorifié ; seulement il exerce nos âmes par les difficultés que nous avons à traverser. Je tiens beaucoup à voir les âmes exercées devant le Seigneur. Il se peut qu’on ne marche pas mal, mais l’âme n’est pas exercée devant lui, il y a quelque chose de superficiel ; on est toujours en danger, on n’est pas à même de résister aux tentations qui peuvent surgir, on connaît peu le Sauveur ; on dépend peu d’une manière pratique de lui. Je dis toujours : il y a trois hommes en moi ; Christ au fond, autrement je ne suis pas chrétien, puis une marche extérieure où il n’y a rien à me reprocher ; mais entre les deux choses, qu’est-ce qui m’occupe toute la journée intérieurement, c’est-à-dire là où sont mes motifs, mes pensées ? Est-ce que mon cœur est un chemin battu, foulé par tous les allants et venants, voire même par les folies de mon propre cœur ? C’est là qu’on trouve l’état réel du chrétien. Oh ! que nous soyons occupés de Christ ! Qu’il demeure dans nos cœurs par la foi, et que, dans nos entretiens avec les autres, cela coule de source. Ainsi aussi nous sommes fondés et enracinés dans l’amour. On est heureux soi-même, il y a communion les uns avec les autres ; une assemblée même s’en ressent, on y trouve la patience, le support ; le cœur en toutes choses s’en réfère à Christ ; on pense en amour les uns aux autres, puis on s’exhorte les uns les autres à l’amour et aux bonnes œuvres.
Souvenez-vous, cher frère, qu’il y a une œuvre de connaissance de soi-même absolument nécessaire pour le repos de l’âme ; une œuvre où il ne s’agit pas de la rédemption, bien que les choses s’entremêlent souvent dans l’expérience ; mais, en supposant que la rédemption soit connue, toujours faut-il qu’on se connaisse soi-même, et tout en montrant, comme dans le cas du brigand, que le sang de Christ nous a rendus propres pour l’héritage des saints dans la lumière, en général Dieu nous fait passer par le désert pour nous humilier, nous éprouver, nous faire savoir ce qu’il y a dans nos cœurs. Si la rédemption n’est pas clairement réalisée, ce travail se mêle avec la pensée de l’acceptation ; si elle est réalisée, c’est un sondage pénible du cœur, afin que tout soit tiré au clair. Si l’on est toujours manifesté à Dieu, comme on le sera devant le tribunal de Christ, alors l’atmosphère de l’âme est claire, et l’air serein, sans nuage. Sa faveur est meilleure que la vie. Il se peut que Dieu nous châtie le long du chemin si, lorsque nous manquons, nous ne nous sommes pas jugés nous-mêmes. Quelquefois on voit une âme profondément travaillée au lit de mort, quand Satan s’approche pour la tourmenter, en lui faisant repasser toute une vie, dont les motifs n’ont pas été jugés, mais il s’agit ici des voies de Dieu, non de son propos arrêté. (Voyez Ex.3, 6, 15). Ce dernier comprend la rédemption et la gloire comme Christ et avec Christ, selon sa grâce souveraine, à la fin du désert. Il n’a pas vu d’iniquité en Jacob, ni de perversité en Israël. Mais Moïse n’a rien vu d’autre. Il s’agit de se juger, d’être constamment manifesté à Dieu, de marcher dans sa présence, d’en avoir la conscience, ce qui tient notre conscience en éveil.
…Saluez les frères affectueusement de ma part.
Votre affectionné en Jésus.
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J N Darby – Lettre No. 109
Chicago, 1873
A M. P.
Bien-aimé frère,
Je ne m’étais pas trompé sur les localités de l’Ouest. Tout y est à faire ; toutes les fausses opinions imaginables à écarter par la Parole ; mais au moins y a-t-il le désir de l’étudier.
Nous avons deux réunions par jour pour la lecture ; les Messieurs qui sont actifs dans la ville, y viennent ; il me semble qu’il y a plus d’attention et de sérieux qu’au commencement, et je crois qu’il y a bien des vérités qui pénètrent dans les esprits. La grâce est peu, ou presque pas connue, et quand on la prêche, en général c’est d’une manière qui la fausse. La difficulté gît en ceci, que les premières vérités fondamentales sont faussées : ce qui serait, en général, un point de départ, exige encore des preuves scripturaires ; tout est à rectifier. La vérité en commençant ne fait qu’embrouiller, parce qu’elle se mêle avec de fausses idées déjà reçues ; on cite un passage pour démontrer une chose ; on l’a employé à sa fantaisie, et il faut d’abord tirer cela au clair. On a, tout de même, fait du progrès sous ce rapport ; on est plus soumis à la Parole, et l’on sent qu’il y a une puissance dans la vérité qui est autre chose que des opinions.
A Springfield, trente ou quarante personnes se proposent de se réunir et de se laisser conduire par le Seigneur. J’espère bientôt y aller. D’autres difficultés s’y trouveront, mais le Seigneur suffit à tout.
Ici, nous avons dû abandonner les Ephésiens et prendre l’épître aux Romains ; on n’était pas encore bien établi sur le fondement de la vérité.
Les frères vont bien, sauf un ou deux d’entre eux, venus ici pour faire leur chemin. Le monde a pris possession de leurs cœurs ; là encore, la grâce du Seigneur suffit, mais ils feront leurs expériences.
Saluez affectueusement les frères.
Votre affectionné frère.
J N Darby – Lettre No. 110
Décembre 1873
A M. P.
Bien cher frère.
…Il était, et je le lui ai dit, entièrement sous l’influence de cette inclination coupable, tombé de cœur, sinon de corps. Aussi, quand on en est là, c’est un état de folie et d’esclavage : on se trompe soi-même, on le sait, et on se trompe encore. Aussi rien ne m’étonne, de ce que l’on fait dans cet état. Regardez le commencement du livre des Proverbes ; voyez l’épître aux Corinthiens, et comment l’apôtre revient sur ce point. Je ne dis pas que l’âme de notre frère ne soit pas restaurée, mais je ne sais s’il a reconnu tous ses faux-fuyants, et comment il a cherché à éviter les accusations, tandis qu’il faisait le mal ; mais une fois dans le faux, avec la réputation de chrétien et de ministre, on est capable de tout. Ce n’est pas de l’hypocrisie, c’est la tromperie de la chair. C’est un état d’âme en ceux qui jugent ainsi, que je ne crois pas être le fruit de l’Esprit du Seigneur. Juger l’acte, le mal, le manque de véracité, tout naturel qu’il soit à l’état où ce pauvre ami se trouvait, c’est très bien. Mais juger le mal sévèrement comme il le mérite, est autre chose que de dire que celui qui fait le mal est un hypocrite. Je crains qu’il ne soit pas sondé comme il faut. Mais il y a peu de puissance spirituelle pour restaurer, chez les frères. Puis il y a eu chez eux une très forte réaction à la suite de la grande confiance qu’ils avaient en lui ; ils se sentaient blessés dans leur affection, leur confiance trahie. En cela, je sympathise avec eux ; mais leur jugement spirituel aurait dû s’élever au-dessus des blessures intérieures du cœur. Je les comprends ; mais le chagrin personnel, tout juste qu’il soit, ne convient pas à un juge, et dans ce cas ils sont dans la position de juges. Cependant il est temps que de pareilles choses soient sévèrement frappées… Quelle peine de cœur, quelle humiliation, quel déshonneur fait au Seigneur ! Je m’étonne de sa bonté, je le dis, non en jugeant, car si Dieu ne nous garde pas, nous sommes tous capables de faire de même ; mais que cela nous donne beaucoup à penser au danger dans lequel les ouvriers du Seigneur se trouvent, et particulièrement quand, par des lumières supérieures, ils sont mis en avant. Ma consolation, c’est que le Seigneur y manifeste son gouvernement : c’est un moyen douloureux de l’apprendre, mais la chose que l’on apprend est bien précieuse.
Pinkerton a trouvé beaucoup d’encouragement, il est maintenant en Syrie ; il y a emporté avec lui une presse pour imprimer des traités en arabe ; un indigène capable s’en occupe avec lui. J’en ai bien béni Dieu. A Jaffa aussi, il a trouvé les portes ouvertes, cela tendra de même à élargir l’horizon des frères, bien que ce soit en un certain sens, encore au-dedans du royaume.
Ici, partout où Christ est pleinement annoncé, on trouve un auditoire attentif et nombreux ; les âmes sont partout affamées. Les nationaux ont été forcés de commencer une espèce de mission dans les églises, qui a également attiré beaucoup de monde. Les flots du mal s’élèvent, mais Dieu agit évidemment : on attend davantage le Seigneur. Il faut beaucoup encourager dans le travail par ici, car on ne peut y suffire ; mais Celui qui fait tout, fera son œuvre…
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J N Darby – Lettre No. 111
Carlisle, 1874
A M. P.
Bien cher frère,
…Cela ne va pas mal à X. Dieu a suscité quelques ouvriers ; il y en avait déjà, mais le commerce du vin a fait beaucoup de mal à ce pays. Lorsque j’y étais, bien que les visites des frères les eussent un peu ranimés, il y avait beaucoup de langueur, même là où, dans le temps, on trouvait beaucoup de vie. Cette faiblesse a laissé la porte ouverte à l’entrée d’autres chrétiens dans le champ du travail, et on ne peut le leur reprocher. Je pensais que vous pourriez peut-être les visiter.
…Nous avons eu de bonnes réunions ; le Seigneur, dans sa grande grâce, est avec moi ; quelques ouvriers sont suscités ; mais il y a maintenant une masse de personnes qui quittent les systèmes, sans avoir des principes bien dessinés. Cela complique un peu l’œuvre, mais les frères en général ne cheminent pas mal, et l’œuvre s’accomplit.
- s’est rendu en Egypte, et R. l’a quitté et marche avec les frères ; il s’en est retourné en Amérique.
Je fais dans ce moment plus ample connaissance avec les frères du nord de l’Angleterre. Nous avons eu ici une conférence d’ouvriers, pendant trois jours, et je pars demain, Dieu voulant, pour l’Ecosse. Il se peut, Dieu le sait, que je me rende encore en Amérique. Les bateaux à vapeur font des courses régulières de San Francisco à la Nouvelle Zélande.
J’ai de bonnes nouvelles de la Suisse. N. se voue à l’œuvre en Angleterre, et en France nous avons bien besoin d’ouvriers. Prions le Seigneur de la moisson. Pour ma part, je trouve que partout où un témoignage de Christ, simple et selon la plénitude de la grâce, est rendu, les auditeurs attentifs ne manquent pas.
Saluez affectueusement les frères… Paix vous soit, cher frère, et que Dieu vous dirige dans vos
J N Darby – Lettre No. 112
CXII – 112
Londres, janvier 1874
A M. P.
Bien-aimé frère,
Je sais qu’on a besoin d’un ministère pratique dans le Midi, spécialement dans le Gard. Dans l’Isère, la Drôme, le cher X. a été bien encouragé, en particulier à Valdrôme ; c’est un excellent frère, et je me réjouis beaucoup de ses travaux, car il me remplace un peu dans ces contrées, maintenant que je me fais vieux ; maintenant il est parti pour l’Italie, car il parle aussi l’italien. C’est précisément parce que je connaissais les besoins du Midi que j’ai mentionné votre séjour en France, et, soyez-en certain, les ouvriers ne manqueraient pas autant s’il y avait plus de dévouement. Je suis sûr qu’il y a bien des dons non développés.
Dans l’Ardèche, ils manquent moins, mais en voici plusieurs mis de côté ! C’est un sujet de prières et d’humiliation que tout cela. Le dévouement apporte la considération des autres, le sentiment de la responsabilité, et par-là des exercices de cœur par lesquels on mûrit. Il y en a qui ne sont pas mûrs, parce que le dévouement leur manque ; je pourrais en nommer qui, pour quelque petit travail, perdent la gloire et la douceur de travailler pour le Seigneur… Quant à visiter le Midi, pendant mon voyage, je crains d’entreprendre trop à la fois. Je dois être en Italie aux environs de Pâques pour une petite conférence, et visiter la Suisse en route, puis je pars pour Londres pour me rendre en Irlande. Il se peut qu’à mon retour d’Italie, je puisse me rendre en France, ce que je ferai avec grand plaisir.
Je suis bien aise que vous soyez un peu à Nîmes. La perte du cher G. les a laissés très faibles, mais Dieu est plein de bonté.
Ici les frères vont bien ; il y a de la piété ; toujours le monde à combattre, mais en général de la solidité, et les cœurs sont unis. Il y a maintenant plus de 30 réunions à Londres et, je le suppose, plus de 3000 frères. Qui peut suffire pour en prendre soin, si ce n’est un seul ? Grâces à Dieu, on peut compter sur lui, et c’est une grande consolation.
Nous avons de bonnes nouvelles de Suisse, et d’assez bonnes de Hollande. La vérité fait du progrès en Amérique.
Pinkerton s’en est allé en Egypte et en Syrie. J’ai été frappé de sa solidité et combien il a mûri dans la conscience de sa position. On rompt le pain en Syrie et à Alexandrie ; Dieu avait préparé le chemin. Ils ne sont qu’une petite poignée dans chaque localité. Déjà il y eu quelques persécutions ; un frère natif de la Syrie avait traduit des traités ; les missionnaires l’ont renvoyé. Le retour de P. a aussi réveillé l’opposition des presbytériens, mais les portes lui sont ouvertes.
Votre affectionné en Jésus.
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J N Darby – Lettre No. 113
New-York, avril 1875
A M. P.
Bien-aimé frère,
…Il y a deux frères, l’un de New-Jersey, l’autre de New-England, qui se disposent à travailler à l’œuvre, et qui lisent la Parole avec moi. J’espère qu’ils seront utiles. L’accroissement du nombre des ouvriers est toujours précieux pour moi, s’ils sont dévoués. Ce sont des frères d’un esprit calme et sensé, et ne manquant pas d’intelligence ; ils sont Américains, ce qui sous plus d’un rapport est à désirer.
Le désir de sonder davantage la Parole continue dans les Etats-Unis. Le perfectionnisme, qui fourvoie bien du monde, réveille des besoins tout en leur imprimant une fausse direction. C’est un peu ce qui arrive partout. D’un autre côté, l’incrédulité s’empare des masses, mais tout cela amène un christianisme plus vrai, plus réel, plus lui-même, car c’est ce qui a lieu maintenant.
Je pense beaucoup à la France, mais en général les nouvelles sont bonnes, Dieu en soit béni.
Je ne sais rien de nouveau sur l’Ouest. L’incrédulité s’y montre hardiment, et le manque de biblicisme dans le clergé se fait sentir de plus en plus, mais le désir d’être éclairé sur le contenu des Ecritures augmente, et les vrais chrétiens commencent à avoir honte des choses qui se font dans l’Eglise. Mais Christ est tout pour nous. Bientôt rien n’aura de valeur que ce que nous aurons été pour lui. Tout le reste passe et n’est que vanité. Il est triste de voir des hommes se dépenser pour ce qui va périr.
Saluez beaucoup les frères de ma part.
Votre affectionné en Christ.
J N Darby – Lettre No. 114
CXIV – 114
Ohio, 1875
A M. P.
Bien cher frère,
…Je ne puis guère vous donner autant de nouvelles de ce pays que vous m’en donnez de la France. Il est bien douteux que je visite celle-ci maintenant, quoique mon cœur soit aussi attaché que par le passé à l’œuvre qui s’y fait, et aux frères, si ce n’est davantage, à mesure que le Sauveur me devient plus précieux. Toutefois les visites à des contrées plus rapprochées peuvent se faire, quand celles qui se compte par milliers de kilomètres commencent à être incommodes pour la vieillesse. Je pense faire une pointe jusqu’en Nouvelle-Zélande, ce qui me retiendra encore une année de ce côté de l’Atlantique…
Je puis ajouter que les besoins se multiplient ici. On sonde la Parole bien plus que précédemment, et les frères ont la réputation de la connaître mieux que les autres. On s’occupe d’eux quelquefois d’une manière hostile et hargneuse, cela va sans dire, mais on s’en occupe partout. Que Dieu les rende fidèles, c’est ce que je lui demande instamment ; s’ils ne sont pas plus dévoués, plus séparés du monde, ils seraient un faux témoignage pour Dieu. Qu’il les garde.
Saluez affectueusement les frères.
Votre affectionné en Jésus.
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