Plymouth, 13 février 1846
A M. B.R.
Bien-aimé frère,
Il ne faut pas penser que Dieu se soit montré contre les frères. Bien au contraire. Ce qui est vrai, c’est qu’il y a eu des épreuves très grandes. Mais je n’ai jamais été autant convaincu que Dieu aime les frères et qu’il veut les garder. Ce qui est vrai, c’est que l’ennemi avait cherché à bouleverser tous leurs principes et à les éprouver par une pierre de touche, d’une manière à laquelle la chair n’aurait su échapper ; mais cela a bien démontré, en nous humiliant, il est vrai profondément, que nos principes étaient du fin or. Dieu les a reconnus en humiliant ceux qui les professaient tous. Mais la scission n’a eu lieu qu’en deux endroits et, dans le second, elle n’a été accomplie que la semaine passée ; dans les deux décidément en bien, selon moi, pour les frères qu’on travaille, je n’en doute pas, pour faire un parti ailleurs. Mais je crois que Dieu a mis sa main sur l’œuvre des adversaires, et qu’ils ne pourront guère faire plus, parce qu’on la connaît maintenant. Dieu a pourvu à cela, malgré toutes les ruses qu’ils ont employées. Peut-être notre patience sera-t-elle exercée, et ce sera notre bien. Mais Dieu nous a manifesté sa bonté d’une manière dont, pour moi, je n’ai jamais vu la pareille. Jamais nous n’avons eu de réunions aussi heureuses, ni autant l’esprit de culte, tout pauvres que nous soyons. Je crois pouvoir dire (tout en étant certain que l’on moissonnera encore çà et là ce qui a déjà été semé) que la plaie est arrêtée.
Dieu a déjà répondu, je n’ose dire à la fidélité, mais au moins au désir d’être fidèle.
Voilà ce que je pense des affaires d’ici. S’il y avait eu plus de spiritualité, la chose aurait été, ou aurait pu être guérie en bloc. Dieu a agi selon l’état de l’église et en cela, il me semble, beaucoup plus solidement dans les consciences individuelles. J’ai laissé la chose telle quelle, en suivant, je crois, les pensées de Dieu ; et j’en suis heureux.
Ne soyez pas découragé, cher frère, au sujet de votre chère fille. Il est des cœurs qui se referment au milieu de la foule, et qui, souvent, ne sont au large qu’auprès de Dieu. Quelquefois cela se rattache par un côté à quelque faute. Mais ils n’ont de confiance que quand ils sont près de Dieu et se cachent au milieu du bruit du monde où des esprits plus hardis se font jour. Dieu a soin de ces cœurs, mais il faut les soigner autant que les autres, car la chair qui est toujours là, tendra toujours à se rapprocher du monde. Si la vie est là, comme je n’en doute pas, il faut la cultiver comme chez une autre âme, abandonnant sa manifestation à Dieu. On a dit : La grâce de Dieu, dans le cœur de l’homme, est une plante délicate dans un mauvais climat. Il faut y penser.
Quand la foi de votre fille s’affermira et s’appuiera moins sur sa joie en Christ, ou plutôt sur la joie qui découle de lui, votre fille aura plus de confiance devant le monde. Il faut attendre l’œuvre de Dieu, et, en attendant, veiller pour que le monde ne gâte pas cette œuvre. On a de la peine à retrouver la première fraîcheur ; mais si elle est gardée, tout ceci se retrouvera plus tard, plus solide, et plus complètement Christ lui-même.
Je ne saurai rien dire, cher frère, sur la résurrection juive, mais, quoiqu’il en soit, voici, sur Jean 11, ma pensée, qui, du reste, est pour le fond la vôtre. Je crois que l’action de Christ comme résurrection et vie, répond à sa position. Etant sur la terre, il vivifie Lazare d’une vie qui le laisse sur la terre. N’étant présent maintenant que spirituellement. Lorsqu’il reviendra, il ressuscitera ceux qui ont cru, bien qu’ils soient morts (littéralement), et ceux qui vivent et croient en lui ne mourront pas (littéralement). C’est là le seul sens complet de ce passage. Je ne sais pourquoi on ne l’appliquerait pas à la résurrection des fidèles. Je ne doute nullement que les Juifs se soient trompés, au v.36, sur les larmes de Jésus. Le Seigneur avait sur son cœur le sentiment de la puissance de la mort sur ses pauvres créatures.
Le passage de 2 Pierre 1 v.10, ne m’a jamais beaucoup arrêté, parce que le mot grec …. n’a pas seulement le sens de rendre ferme, mais de la conviction d’une vérité dans laquelle nous sommes affermis, comme, par exemple, au v.19 : “Nous avons la parole prophétique, rendue plus ferme” (……) cas parfaitement pareil. La parole pas plus que l’élection (moins si l’on veut, puisque Dieu s’est exprimé dans la parole) ne saurait être rendue plus ferme, mais le terme veut dire qu’elle a été confirmée, savoir par la transfiguration. Or la conscience (le sentiment intime ou conviction intérieure) de notre élection nous est affermie, si nous marchons selon Dieu, cela est certain. Le Saint-Esprit, Dieu, a sa liberté dans nos cœurs et s’y entretient.
Quant à Héb.12 v.22, 23, l’emploi du mot “et”, (l’a-t-on remarqué ?) tend à faire interpréter le passage ainsi : “et à des myriades d’anges, l’assemblée universelle ; et…” l’emploi du mot myriade est connu dans le cas des anges, comme en Apoc.5 v.11 ; d’autre part, … l’assemblée universelle, est employé pour l’assemblée d’Israël. L’emploi de ce mot dans les autres classiques est trop connu, pour qu’on ait besoin d’en parler. Il me semble que la pensée des myriades d’anges suggère à l’apôtre cette belle assemblée solennelle et joyeuse de tous. J’ai pensé depuis longtemps, sans chercher à imposer mon idée à d’autres, que “l’assemblée des premiers-nés écrits dans les cieux” formait l’Eglise proprement dite, et les “esprits des justes consommés,” les saints de l’Ancien Testament, d’une manière spéciale. Il ne faut pas oublier, dans ce passage, l’absence de l’article qui donne une force caractéristique et non objective à la phrase, ainsi : “à une montagne de Sion”, en contraste avec “une montagne qui peut être touchée”.
J’espère que notre cher R. ne manque de rien. Saluez bien affectueusement tous les frères.
Votre tout affectionné.
P.-S. – En effet, je suis très heureux et béni dans mon travail; nous le sommes tous plus que jamais, mais je suis occupé à tout instant. Je suis forcé quelquefois de renvoyer un peu ma réponse à des lettres qui demandent une étude suivie.