Hamilton (Canada West), 1866
A M. B.
Bien-aimé frère,
J’ai reçu votre seconde lettre un jour plus tôt que la première, de sorte que la nouvelle de la mort de votre chère femme m’est arrivée avant l’expression de votre espoir. Qu’est-ce donc que ce monde ! Votre perte est grande, en vérité, car votre femme était bonne et excellente comme femme et comme mère ; puis comme vous le dites, trois orphelins tout jeunes restent sans mère. Dans le même paquet de lettre, j’ai reçu la nouvelle de quatre morts ; tous ces départs sont de rudes coups pour les familles. Quelles leçons nous recevons dans ce monde ! Je comprends, bien-aimé frère, combien cet événement doit être de tout point douloureux pour vous, mais ayez bon courage. Notre Dieu n’est jamais déçu dans ses voies ; pas un passereau ne tombe en terre sans lui, combien davantage prend-il soin de ses enfants, qu’il aime et qu’il chérit, de ses chers enfants, comme il nous appelle. Je ne doute pas, cher frère, que la perte de votre chère femme ne vous soit toujours plus sensible, à mesure que vous éprouverez des difficultés dans les soins à donner à vos enfants. Il est bon de regarder toutes ces choses en face pour que la foi en Dieu s’exerce, et que nous lui apportions nos difficultés aussi bien que nos peines. Confiez-vous dans son amour ; il ne vous fera pas défaut. C’est un grand exercice de foi, mais Celui en qui nous devons avoir confiance est plus grand que toutes nos difficultés, et son amour toujours fidèle ne peut jamais faire défaut. Il fait concourir toutes choses au bien de ceux qui l’aiment. Il nous sèvre de ce monde de toutes manières, afin de nous attacher à un monde pour lequel il nous a créés de nouveau. Celui-ci n’est qu’un lieu de passage où Christ a été rejeté ; nous le traversons, et étant privés de tout ici-bas, nous n’avons pas autre chose à faire qu’à travailler pour lui et à le glorifier. La main de Dieu est toujours meilleure que celle des hommes, son apparente dureté meilleure que la faveur de ce monde ; ce qui la dirige, est au fond toujours amour, l’amour conduit par une parfaite sagesse que nous comprendrons plus tard. En attendant, il a donné son Fils, en sorte que nous pouvons être sûrs que tout est amour. C’est un monde de douleurs, mais où Christ a laissé ses traces, preuves indélébiles pour la foi que l’amour est entré dans ce monde de douleurs pour y prendre en grâce sa part. Regardez donc à Jésus, cher frère ; il prend part à toutes nos afflictions, et soyez sûr que l’amour de Dieu ne vous délaissera pas. Ne vous inquiétez de rien, et que Dieu lui-même vous dirige à l’égard de vos chers enfants. Je serai heureux de recevoir de vos nouvelles.
Je ne comprends pas comment vos lettres ont eu tant de retard, il est vrai que j’étais de l’autre côté du Mississippi.
Je ne vous parle pas aujourd’hui de mon italien, car je pense à votre affliction ; j’ai toujours lu un peu ma Bible dans cette langue pour ne pas l’oublier.
Dieu veuille vous bénir et maintenir dans votre âme une entière confiance en lui. Quant à lui, il sera sûrement fidèle : ses voies sont toujours parfaites. Regardez beaucoup à lui, et que vos pénibles exercices de cœur soient pour vous le moyen d’une communion plus profonde et d’un détachement toujours plus complet du monde.
Votre affectionné frère en Jésus.
L’œuvre fait du progrès dans les états de l’Ouest. Une dizaine de réunions, grandes et petites, s’y sont formées.
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