Toronto (Canada), septembre 1866
A M. B.
Mon cher,
Je vous envoie, ci-incluse, ma lettre à J. ; c’est ma première lettre italienne. Il n’y a eu auparavant que mon traité italien. Je suis presque en peine de ce que vous ayez simplement renvoyé le secours qu’on avait expédié à P. Toutefois je ne vous blâme nullement, je crois plutôt que vous avez eu raison, mais ils ont besoin d’encouragement, et peut-être suis-je allé trop loin.
Vous lirez ma lettre je n’ai qu’un tout petit dictionnaire de poche et une petite grammaire de voyage, de sorte que les phrases idiomatiques me manquent. Quoi qu’il en soit, s’il le veut, il pourra comprendre ce que je veux dire.
J’ai été très heureux, et j’ai rendu grâce du fond de mon cœur à Dieu des bonnes nouvelles que j’ai reçues de France en général, d’Allemagne aussi, et pas mauvaises de Suisse. En Angleterre, le nombre des frères augmente beaucoup, et la discussion sur les souffrances de Christ leur a été en grande bénédiction. En Irlande, cela ne va pas mal.
Aux Etats-Unis, c’est une œuvre de patience. Cependant le Seigneur agit ; un assez grand nombre d’âmes a trouvé la paix (personne ne l’avait parmi eux), beaucoup ont reçu la vérité de la venue du Seigneur, un certain nombre celle de l’unité de l’Eglise et de l’état où elle se trouve actuellement. La vérité se répand, le rassemblement des frères se fait lentement ; je m’y attendais, connaissant l’état de l’église professante dans ce pays. Quant à celui des esprits, prôner et exalter l’homme, s’occuper des affaires politiques, un dévergondage épouvantable dans les mœurs, voilà ce qui le caractérise. On voudrait que les femmes votent dans les élections politiques. Une locution proverbiale dit : dans ce pays il faut dire : « Parents, obéissez à vos enfants ». On commence à sentir que tout frein manque. La magistrature, de son côté assez corrompue, dit-on, a privé la corporation de New-York de la direction de la police, autrement on aurait tout craint pour la ville ; personne n’était en sûreté ; la police et le maître lui-même étaient ligués avec les malfaiteurs. Maintenant on a aboli la direction des voitures publiques, des permis de vente de liqueurs fortes, et on l’a placée entre les mains de la police. Puis le maître a révoqué tous les permis et chacun peut faire ce qu’il veut ; vendre, demander pour les voitures publiques ce qu’il veut, etc. On est habitué aux abus, on s’y attend. Le chrétien traverse tout cela tranquillement, comme s’il était dans la ville la mieux policée du monde.
A Boston, on est, en général, mieux. Les églises deviennent une espèce de garantie pour la respectabilité, mais alors on prend sa revanche par un surcroît de mondanité qui dépasse même les mondains ; se tenir en dehors des églises a toutefois mauvaise façon, cela ne donne pas une plaque d’honnête homme sur son habit. Cependant Dieu fait son œuvre. Au Canada, dans ce vaste pays, maintenant nôtre, nous sommes environ 300 personnes, et la vérité fait du progrès ; elle se répand, et le témoignage se fait sentir, tout petit qu’il soit.
Ma foi et ma patience ont été exercées, mais j’ai joui de la présence du Seigneur et de sa Parole.
Nous allons avoir, s’il plaît à Dieu, notre conférence des Etats-Unis, et nous serons représenté par un bien plus grand nombre de personnes que l’année passée. Toutes ne sont pas en communion, mais s’occupent de la vérité.
Je comprends, bien cher frère, que vous cherchiez à soustraire vos chers enfants à l’influence mondaine qui les entoure. Embrassez-les de ma part. Saluez beaucoup tous les frères ; je pense à eux de cœur. Que Dieu les bénisse et les garde.
Votre affectionné en Jésus.