Edimbourg, 13 décembre 1865
A M. B.
Cher frère,
J’ai bien reçu votre lettre en son temps, mais je tenais à lire votre article avant de vous répondre, et j’étais en course tenant des réunions du matin au soir, tantôt en réunissant les frères du voisinage, tantôt en Irlande où il y a un mouvement remarquable. Quoique surchargé de travail, j’ai lu votre article. Je n’ai qu’une remarque à faire : vous donnez aux églises une importance formelle plus grande que je ne le pense. Je ne vous accuse pas d’erreur, car vous reconnaissez l’Eglise, corps de Christ, mais seulement d’une impression que votre écrit m’a laissée. Je ne reconnais pas qu’il y ait des membres d’une église, et je ne sache pas que vous le disiez ; je ne parle que d’une impression. Mais enfin, vos expressions pourraient peut-être le dire pour ceux qui sont habitués à cette idée. Ne pensez pas, cher frère, que je mentionne cela pour blâmer votre écrit, car je l’ai trouvé très bon, et je vous fais remarquer la seule chose qui se présente à mon esprit comme pouvant soulever une question. Ce sera, je l’espère, un résumé très utile pour vos compatriotes. Je pensais vous écrire encore après avoir relu la moitié de votre écrit, car j’ai un peu plus de tranquillité ici à Edimbourg, mais voici que m’arrive un petit mot de L.F., avec la lettre que vous lui avez adressée, et dont le contenu est assez important. L’union est toujours bonne en soi, mais la fidélité à Christ va avant l’union elle-même. Je vous engagerais à vous renseigner exactement au sujet de la réunion dont vous parlez, avant de vous compromettre à cet égard ; il ne s’agit pas, Dieu nous en garde, de faire des difficultés, mais il nous faut savoir si la sainteté de la table du Seigneur est réellement conservée. Je puis me réjouir d’une œuvre lorsque, en somme, il y a des âmes délivrées, quand même je ne pourrais y marcher moi-même.
Quand à Béthesda, avant de me mêler à eux, il me faudrait être bien au clair sur le fait qu’ils en ont été franchement délivrés. Jamais il ne me viendrait à la pensée d’introduire ces questions en Italie, mais elles y sont déjà. C’est ce qui m’a empêché de m’y rendre ou de m’en occuper ; il aurait été cruel d’occuper ces frères, nouvellement sortis du papisme, de ces difficultés ; il aurait été impossible de marcher avec les Newtoniens, car ceux qui agissaient en Italie étaient même plus près d’eux que de Béthesda. J’ai donc remis, avec beaucoup de prières, la chose à Dieu, et je me suis attendu à lui, car l’œuvre m’intéresse vivement. Cher frère, Béthesda avec les fruits de l’esprit qui y règne, se manifeste tous les jours davantage ; je parle de la mondanité et de la destruction de toute intégrité, de toute conscience chez ceux qui trempent dans ces choses. On a trouvé cela en Suisse, en France, en Allemagne – partout – où l’on ne pouvait dire que c’était l’esprit de parti. Ainsi, si la réunion milanaise est en communion avec Béthesda, certes je n’y irais pas. La plupart ignorent probablement tout cela, de sorte qu’ils ne sont pas personnellement souillés, mais une fois que les deux frères dont vous parlez et qui savent ces choses auront pris leur parti, ils seront nécessairement assaillis ; il importe donc que ces deux soient bien décidés : ne vous pressez pas. Ce qui est absolument nécessaire, c’est que la table du Seigneur soit garantie de cette corruption connue, et que la discipline soit suffisante. Pour moi, je me plierais à beaucoup de faiblesses et d’infirmités dans l’état où ils se trouvent, pourvu que le fond fût bon. J’entends toujours, cela va sans dire, que le principe de la réunion soit celui de l’unité du corps de Christ, autrement vous reniez la substance même de votre écrit. Vous devez comprendre, cher frère, que si, après vous en être mêlé, vous ne continuez pas et que d’autres soient obligés de quitter l’assemblée, vous voilà sous le poids d’une accusation de division. Je doute, pour ma part, que si la vérité, comme vous la possédez, y pénètre, tous la supportent ; vous avez à peser tout cela et à ne pas vous précipiter, tout en accueillant de cœur ces chers frères, et en les éclairant selon votre pouvoir. Soyez fraternel avec tous, à moins que personnellement ils ne soutiennent le mal ; alors la fidélité et même l’amour fraternel vous obligent à montrer que, pour vous, vous ne pouvez pas marcher avec le mal. N’abandonnez pas la fidélité à Christ et à la vérité pour éviter la petitesse et la patience ; notre état normal est de n’avoir que peu de force et de ne pas renier son nom et sa parole. Le Seigneur, après 3 1/2 ans de travail, n’en avait réuni que 120 (Act.1 v.15), et le serviteur n’est pas au-dessus de son maître.
On parle d’une réunion à Genève, bien qu’elle ait été renvoyée. Je suis sûr qu’on sera très heureux de les y voir. S’ils renoncent allo stipendio che produce infiniti mali, ils devront se confier en Dieu et non pas dans les frères. Toutefois, je reconnais pleinement le devoir des frères de venir en aide à ceux qui se dévouent au Seigneur. La marche est une marche de foi, parce que les riches des systèmes établis se fâchent quand on s’affranchit de leurs liens, et que leur fortune n’influe pas comme précédemment sur la marche de l’Eglise. Mais c’est précisément ce qui est nécessaire pour que l’Esprit de Dieu reprenne sa place et ses droits en elle. Que Dieu le fasse, et qu’il donne assez de foi à ces frères et à tous ceux qui sont à l’œuvre, pour que l’Esprit de Dieu agisse librement.
Dieu est bon d’agir toujours malgré les infirmités, les manquements et les péchés qui se trouvent au milieu des siens. Soyez donc cordial, cher frère ; nullement précipité ; voyez à ce qu’on soit complètement purifié de la souillure de Béthesda et qu’en principe, quand même il y aurait de la faiblesse, la sainteté de la table du Seigneur soit sauvegardée. Je ne désire pas autre chose que ce que vous annoncez comme vrai dans votre écrit ; tenez-vous y ferme avec un cœur aussi large que possible.
Je serai très heureux d’avoir de vos nouvelles et de celles de votre activité. Il y a bien des détails importants, mais il m’est impossible d’y entrer maintenant.
Saluez bien Mme B. et les frères qui sont avec vous, bien que je ne les connaisse pas.
Beaucoup d’âmes ont rompu dernièrement avec le système de Béthesda, et aussi plusieurs ouvriers en Irlande qui ne savaient pas jusqu’ici ce qui en était. Je crois que Dieu agit sous ce rapport ; je n’ose dire qu’ils seraient tous à même de garder pures les réunions qui se forment aujourd’hui en assez grand nombre en Irlande. Les frères vont bien, leur nombre augmente aussi beaucoup. Nous avons perdu pour ici-bas notre cher frère Trotter ; un autre évangéliste très connu ne peut plus travailler ; mais Dieu en a suscité quelques nouveaux – et les réunions se multiplient beaucoup.
Paix vous soit, et que notre bon Dieu, toujours fidèle et plein de grâce, vous dirige et vous soutienne. Ne soyez jamais découragé ; ne vous inquiétez de rien, mais présentez vos requêtes à Dieu ; et sa paix gardera votre cœur. Souvenez-vous que Christ est toujours fidèle et ne saurait manquer aux siens. Saluez aussi affectueusement ces deux frères évangélistes ; je désire ardemment, quoi qu’il en soit, que Dieu bénisse leur œuvre.
Votre affectionné en Christ.