Bristol, 27 juillet 1862
A M. B.
Bien cher frère,
Vous vous trompez si vous pensez que je vous considère comme un fainéant. Jamais une idée pareille ne m’est venue à l’esprit. J’ai quelquefois pensé que vous manquiez de courage. Je ne doute pas que le jugement que vous portez sur vous-même ne soit exact. Quant à G., j’ignore les détails de ce qui s’y est passé. M. K., qui m’a visité l’autre jour, m’en a raconté quelques-uns. Toute cette histoire m’a été profondément pénible, pour la famille, mais aussi pour celui qui a causé le scandale. Il a été dévoué ; il a souffert autrefois pour le Seigneur. Ce devrait être un poids sur tous les esprits que la pensée qu’il en est là. Je n’ai aucune idée en ce moment de ce qui a amené la catastrophe, comment l’enquête s’est faite, comment l’affaire est revenue sur le tapis. Mais, quels que soient les instruments, il faut regarder plus haut. Si la main de Dieu est sur nous, c’est sa main, en amour sans doute, mais sa main. Je ne crois pas que le mal qu’on a jugé dans ce pauvre frère, soit la seule chose qui ait forcé Dieu à placer son ouvrier sous la férule, car il a été son ouvrier. Son caractère inflexible a rendu la discipline nécessaire, au moins à ce qu’il me semble. Dieu n’aurait jamais permis le mal, mais il aurait pu amener son cœur à fléchir et à se repentir, sans le mettre en scène devant tout le monde, ainsi qu’il l’a fait. Combien de chrétiens en chute il a ménagés et traités avec une douceur dont l’homme, peut-être, aurait dit qu’ils ne la méritaient pas, et qu’eux-mêmes ont dit et senti ne pas mériter, car il n’aime pas à nous blesser et à nous briser. Pourquoi ce pauvre X, a-t-il été traîné en public pour ses fautes ? Il se peut que tel ou tel en ait été l’instrument, et que d’autres aient été aigris contre lui ; mais c’est Dieu qui tient tous les cœurs dans ses mains. Ce que j’espère, c’est que Dieu, dans sa grâce, Dieu qui agit toujours en amour, agira par ces moyens, quelque douloureux qu’ils soient, pour amener ce frère à la douceur, pour l’engager à se juger, à s’humilier devant Dieu ; alors, certes, Dieu le bénira, et je le désire de tout mon cœur. Il se peut que Dieu ait jugé nécessaire de traiter durement ce mal, de peur qu’il ne s’enracinât ; quoiqu’il en soit, il nous faut regarder à ses voies.
Je n’ai porté aucun jugement sur votre déménagement ; là où la sagesse de l’homme fait défaut, Dieu nous conduit et dirige les affaires de sa chère Eglise à travers nos faiblesses et même par le moyen de nos faiblesses, si notre cœur est droit. J’espère que vous serez béni à V., et je ne vous blâme aucunement de ce que vous donniez des leçons.
Je désire de tout mon cœur que Dieu pousse des ouvriers dans sa moisson ; mais personne ne peut dépasser son don, et ce qu’il fait au-delà ne peut qu’être nuisible à lui-même et peut-être à tous. Oui, je demande que Dieu suscite des ouvriers ; qu’il y ait de la foi, du dévouement ; je le demande de tout mon cœur, mais je ne prétends pas même avoir une opinion sur tous les cas qui surgissent. Je m’intéresse profondément à l’œuvre, vous pouvez bien le croire ; par conséquent, l’activité des ouvriers me touche de près, mais je crois que notre Dieu tient la haute main sur tout, et ma confiance est dans sa bonté et dans sa fidélité. Naturellement, quand on s’intéresse beaucoup à une chose, on pense à tout ce qui arrive. On m’accuse de trop de laisser aller, mais il me semble que je me fie à Dieu, car l’œuvre est à lui. Si je puis être utile dans cette œuvre, c’est une grâce qu’il me confère, mais je vois que, souvent, quand on veut trop gouverner et diriger, c’est la foi en Dieu qui manque.
Quant à mon voyage au Canada, des affaires de famille ont arrêté le frère qui connaît le pays et qui devait me conduire…
Saluez affectueusement les frères. Si je ne pars pas pour le Canada, j’ai un peu l’espoir de les voir.
Que Dieu garde et bénisse votre femme.
Votre toujours affectionné frère.
P.-S. – Je viens d’avoir d’excellentes réunions en province, et les frères en général vont bien.