New-York, 1868
A M. P.
Bien-aimé frère,
Heureux de recevoir de vos nouvelles. Grâces à Dieu, elles sont bonnes en général de France et de Suisse. En France, l’œuvre chemine avec bénédiction ; et en Suisse, dans un endroit que j’ai visité à mon dernier voyage dans ce pays, endroit faible, et où l’ennemi avait fait des ravages, il paraît que le Seigneur, dans sa grâce, ranime et attire les âmes. Le frère X. est très utile dans le canton de Vaud. Que notre Dieu le garde et le tienne près de lui. Il n’en reste pas moins qu’il y a partout disette d’ouvriers.
Pauvre E. est très bas, je le sais. Il y a bien des années qu’il n’a pas voulu écouter la voix de Dieu ; il avait toujours la pensée d’être M. le ministre, et il est tombé dans le piège. Il faut le laisser faire et ne pas s’occuper de son opposition. C’est la puissance du bien de la part de Dieu qu’il faut chercher ; et s’il en est ainsi, les plaignants restent à sec sur le rivage.
Quant aux questions qu’on a soulevées sur les souffrances de Christ, j’ai trouvé dans ce sujet la plus profonde édification pour mon cœur. Je ne doute nullement qu’il n’y ait dans mes écrits, sur ce point et sur tous les points, la faiblesse et les inexactitudes d’un homme qui n’écrit pas sous l’inspiration divine ; mais plus je lis ce que j’ai écrit, plus je suis convaincu que mes adversaires ont perdu la plus précieuse vérité à l’égard du Sauveur, et qu’ils sont tombés dans de très graves erreurs. Toutes ces discussions ont été en grande bénédiction pour les frères en Angleterre. Je ne crois pas que Béthesda ait un principe quelconque, sinon de réussir. Ils sont en relation avec tout le monde, et ne s’inquiètent ni de l’unité du corps, ni de la fidélité au Seigneur. M. X. se vante d’avoir des indépendants, des méthodistes et je ne sais quels autres, pour enseigner les orphelins. Lui, et ceux de son bord, étaient en communion à Bristol, dans une grande conférence, avec des personnes qui enseignent des erreurs abominables ; cela leur est indifférent ! Ici, en Amérique, leurs agents et alliés sont en pleine communion avec ceux qui nient l’immortalité de l’âme et les doctrines qui en découlent ; ils me l’ont avoué, et ont ajouté qu’ils voulaient l’être. Voilà ce qui est en vogue ici. D’après ce qu’on m’a dit, Béthesda s’est tout à fait mondanisé ; mais ne vous en occupez pas. Vous trouverez toujours que la marche de ceux qui soutiennent ce parti, suffit pour juger de chaque cas particulier, sauf qu’ils manquent de droiture. L’unité du corps et la solidarité de l’Eglise, dans sa marche, sont niées par tous ceux qui ont exprimé leurs vues sur ce point, soit à Béthesda, soit par les neutres. Au reste, le grand but de M. Newton était de détruire la doctrine de l’Eglise, et Béthesda est tout simplement une église dissidente qui se croit meilleure que les autres, mais accepte la position de la dissidence et ses rapports avec le monde chrétien. Avant la rupture, M. C. examinait les candidats au ministère d’entre les dissidents, et on avait des jours de prières à l’occasion de leur consécration. M. M. a dit que, pendant 20 ans, sous l’influence des frères, il s’était séparé par orgueil du monde religieux, mais qu’il avait cessé de le faire et y était rentré.
Je continue mon travail ici ; c’est une œuvre de patience. Le monde règne en maître, avec l’argent et les plaisirs ; beaucoup de chrétiens, membres d’églises dites “à la discipline,” fréquentent les théâtres ; mais je suis en relation avec beaucoup d’âmes qui cherchent quelque chose de meilleur, plusieurs ont trouvé la paix, – chose, on peut le dire, inconnue ici, – plusieurs reçoivent la venue du Seigneur, et plusieurs sont exercés à l’égard de leur position dans ces corps organisés par les hommes, qu’on appelle “église”. Les frères aussi, qui avaient été en relation avec ceux qui nient l’immortalité de l’âme, sont délivrés, et marchent avec nous. Nous sommes à peu près une trentaine, heureux ensemble, mais éparpillés dans une ville ou plutôt sur un espace beaucoup plus grand que Paris, car ce sont deux ou trois villes qui entourent le havre de New-York.
Je crois que Dieu établit un témoignage, tout faible qu’il soit, ici à Boston, la vérité pénètre, mais il faut de la patience. Le Seigneur en a bien eu avec nous ; il a même pu dire (ce qui ne devrait pas être le cas maintenant) : “J’ai travaillé en vain” ; mais je suis encouragé. Les âmes qui recherchent la vérité et le dévouement à notre précieux Seigneur (ce à quoi je tiens autant qu’à la connaissance), sont attirées ; je les laisse cheminer comme Dieu les conduit, sans les pousser d’aucune manière à se lier davantage avec nous ; mais les liens fraternels se fortifient, et la vérité pénètre.
A Boston, il y a peut-être extérieurement plus de portes ouvertes ; mais comme les âmes qui ont des besoins se rapprochent toujours davantage, je ne pense pas quitter New-York en ce moment. J’ai passé un mois à Boston.
…Voilà, cher frère, ce qui concerne l’œuvre. Pour moi, le Seigneur et la Parole sont mon tout ici-bas, et ils ne sont qu’un, dans un certain sens. Je sens toujours davantage que le Saint-Esprit seul peut opérer du bien ici-bas, mais je comprends toujours mieux que le “chez-soi est dans les cieux”. La Parole m’est toujours plus claire, plus précieuse ; je sens que notre position, quelques faibles que nous soyons, est celle du témoignage de Dieu, mais tout en jouissant beaucoup de la Parole, je sais aussi que nous ne connaissons « qu’en partie ». Ce que le Saint-Esprit nous donne, nous le possédons de la part de Dieu, et nous avons à y marcher ; c’est notre tout. La sagesse de Dieu lui-même s’y trouve ; cela se coordonne nécessairement avec ce que nous ne connaissons pas ; nous sentons par cette ignorance, notre entière dépendance de Dieu, mais le fait que nous apprenons de lui inspire de la confiance. Suivre la Parole, voilà notre affaire : nous jouirons ainsi de la présence du Seigneur. Encore très peu de temps, et nous le verrons.
Saluez avec affection tous les frères. Que Dieu vous bénisse et vous garde.
Votre toujours affectionné frère.
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