Rochdale, 27 juin 1861
A M. B.
Bien-aimé frère,
Je n’ai aucun regret de ce que les frères aient reconnu leurs torts dans leur manière de faire. Cela donne souvent au cœur plus de confiance pour agir et pour servir le Seigneur. J’espère maintenant que l’assemblée cheminera en paix et recherchera la bénédiction du Seigneur. Les fruits de justice sont semés dans la paix. Je n’ai pas la pensée de m’occuper en ce moment, si ce n’est par mes prières, de la marche de l’assemblée de X. Il y a des moments où il faut laisser faire le Seigneur. J’espère que sa grâce amènera ces sœurs à reconnaître leurs torts et d’autant plus, si l’assemblée marche avec piété – avec cette piété qui découle de la vrai communion. Je crois que dans ce moment c’est la chose importante. La piété avec l’humilité donne un jugement ferme ; elle s’attend au Seigneur, jalouse de sa gloire ; elle cherche à faire sa volonté et ne dit pas : “Tu as tort et j’ai raison” – car alors ce sont les “tu” et les “je” qui jouent le plus grand rôle – mais elle dit : “Que veux-tu, Seigneur, que je fasse ?” Au reste, tant qu’on n’est pas dans cet état d’âme, il est impossible de bien cheminer. Restaurer les âmes, pour que ces âmes si chères au Seigneur le glorifient, voilà notre grande affaire. Ce n’est pas que l’état de l’assemblée ne m’intéresse pas vivement, bien au contraire. Si j’étais resté plus longtemps en France, j’aurais aimé faire un séjour à X. C’est là essentiellement que l’œuvre a commencé dans le midi, lorsque G. s’y est établi ; il n’y avait alors que quatre femmes, anciennes dissidentes ; mais, pour le moment, je ne vois pas qu’une action directe, là où d’autres agissent, puisse servir à quoi que ce soit pour la bénédiction de l’assemblée. Je m’attends davantage à l’action de Dieu lui-même. Ce sont des chrétiens de part et d’autre, et j’espère que la grâce prendra le dessus dans leurs cœurs.
Quant à l’Italie, voici où j’en suis. Lorsque l’œuvre a commencé à F., certaines personnes s’en sont mêlées, puis les Italiens, à la suite des propos malicieux des Genevois, eurent une véritable frayeur du nom de frères de Plymouth. Alors j’ai senti que je ne pouvais pas agir avec ces personnes, et que soulever des questions aurait été une cruauté envers ces nouvelles âmes. Je n’avais donc qu’à remettre la chose à Dieu, mais, avec de la patience, le temps d’action pour nous et celui du témoignage de Dieu arrivent si l’on s’attend à lui. On se fatigue du mal et de ce qui est de l’homme quand on a un vrai désir de Christ. Je crois, quoique ce soit un petit commencement, que ce temps commence à poindre en Italie, mais il faut encore, pour ne pas dire toujours, s’attendre à Dieu. On ne peut faire autre chose que répondre aux besoins de la foi. Ce n’est pas comme une première évangélisation, mais je crois que ces besoins commencent à se produire. Et je suis assuré que notre bon et fidèle Maître, que le Dieu de grâce viendra à l’encontre de ces besoins. J’en ai l’assurance. Notre frère O. y va pour sa santé ; peut-être pourra-t-il être utile, malgré son état corporel ? Dieu le sait. Quoiqu’il en soit, je crois que Dieu agira. Ici même, je crois que le parti neutre est en décadence. Il fleurit en un ou deux endroits où des chrétiens mondains ont besoin de quelque chose de ce genre, mais mêlé à beaucoup de mondanité. En général cependant, on voit qu’il se décompose. Ils n’ont pas la force de Dieu, aussi, même quand leur système fleurit extérieurement, des âmes qui ont besoin de Christ les quittent et viennent au milieu des frères. Ils cherchent à se soutenir par l’activité du réveil, mais l’œuvre n’a pas de fond.
Il y a de tous côtés de très nombreuses conversions, avec une certaine excitation. Plusieurs de nos frères qui sont actifs dans ce mouvement se trompent dans leurs espérances, comptent trop vite les conversions, et cela fait un certain mal, mais malgré cela il y a beaucoup de bien. L’œuvre est un peu superficielle, mais il y a des conversions réelles très nombreuses. Cela exige des soins pastoraux, car les réunions augmentent énormément, et ces nouvelles âmes ont besoin d’être affermies. C’est mon travail spécial en ce moment, et quoique je soupire un peu après l’évangélisation (dont je m’occupe toutefois en même temps), je suis très heureux dans l’œuvre. En général les frères vont bien il y a de la vie, l’attente du Seigneur est plus vivante ; s’il ne s’agissait que de l’augmentation du nombre, nous serions dans un état des plus florissants, mais je crois que, par la bonté de Dieu, il y a bien plus que cela. De la faiblesse, sans doute, mais les frères font l’expérience de la bonté de Dieu. En Irlande, il y a beaucoup de bien.
Prenez courage, cher frère ; nous avons à travailler pour un peu de temps, mais avec une force qui n’est pas la nôtre et qui suffit à tout ; sous le regard, et encouragés par la bonté de Celui dont l’amour ne nous fait jamais défaut. Comptez sur lui, demeurez en lui, nourrissez-vous de lui – travaillez avec toute patience selon la force qu’il vous donne, et soyez fortifié en toute force selon la puissance de sa gloire.
Saluez votre femme de ma part. Saluez cordialement toute l’assemblée. Que Dieu leur donne de se nourrir constamment du Seigneur, et de rechercher la piété et sa communion.
Etant en course je n’ai pas pris avec moi votre dernière lettre ; si elle contient quelque chose d’important j’écrirai de Londres.
Votre bien affectionné frère.
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