J N Darby – Lettre No. 143

 

 

J N Darby
John Nelson Darby

Genève, 8 septembre 1844

A B. R.

Bien cher frère,

Je suis heureux que la fin de mon travail sur Matthieu soit plus populaire que le commencement, et j’en bénis Dieu. Il sera évidemment plus utile ainsi. Je crois que, dans l’état actuel de l’Eglise, il faut agir selon le raisonnement de Héb.5-6. Toutefois c’est une bénédiction que cela s’adapte aux simples.

Quant à Matth.25 v.31-46, je ne comprends pas comment vous l’appliquez aux Juifs, et cela par la raison toute simple qu’il parle des gentils. Peut-être me direz-vous qu’il parle des gentils. Peut-être me direz-vous que …… (mot en grec) “Et il les séparera”. ne s’accorde pas avec ….. (mot en grec) “Toutes les nations” ; mais je dis oui, quant au sens, et il n’y a rien d’autre avec quoi l’accorder. Voici donc la phrase : “Lorsque le fils de l’homme viendra dans sa gloire et tous les saints anges avec lui, alors il s’assiéra sur le trône de sa gloire et tous les gentils seront rassemblés devant lui, et il les séparera comme un berger sépare les brebis des boucs.” Ce n’est pas ici une allusion à un témoignage prophétique, mais à un acte du métier de berger. Là-dessus il emploie l’expression : « Il mettra les brebis à sa droite et les boucs à sa gauche » ; mais il l’abandonne aussitôt en disant : “Alors le roi dira à ceux qui sont à sa droite…” Les brebis ne sont plus nommées ; il parle des personnes sans se servir d’image. Enfin, je ne vois pas ici d’autre sujets que les gentils (soit nations) ; ils seront rassemblés et il les séparera ; il n’y pas d’autre antécédent. Vous avez raison quand vous dites que, selon ma division, les “frères” du v.40, ne sont pas “les bénis de mon Père” du v.34. Je ne doute pas que si une brebis avait fait du bien à une autre brebis, cela n’eût été reconnu de Jésus, mais de fait les brebis ou ceux qui sont à sa droite, sont les justes et les bénis du Père. Voici la division :

Roi

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Brebis                       Boucs

Les “frères,” dont il parle, ne trouvent pas leur place dans la parabole. Le Seigneur laisse à l’intelligence spirituelle de ses serviteurs de discerner qui ils sont. Quant à moi, je ne doute pas que ce soient des Juifs, messagers du royaume, d’après l’ensemble de l’enseignement du Seigneur dans ces passages, mais je suis tout disposé à recevoir de nouvelles lumières. Vous auriez tort d’insister sur Ezéch.34 v.17, 22, parce que le mot hébreu traduit brebis ; il indique autant la race des chèvres que celle des moutons. (Voyez par exemple, Deut.14 v.4). Je ne comprends pas non plus pourquoi vous dites que, dans les v.4,6,8 “les boucs les ont fait égarer” ; ce sont les mauvais bergers. Je crois aussi que vous trouverez que dans ce passage, v.22, les béliers et les boucs ne sont pas mis en contraste les uns avec les autres, mais les bêtes faibles en contraste avec celles qui les ont foulées, appelées béliers et boucs. Dieu fera la différence entre brebis et brebis, entre béliers et boucs. (v.17.)

L’énergie qui va en avant pour chercher la vérité est très précieuse. Qu’elle soit tempérée par la prudence qui pense au résultat, c’est une grâce qui vous est faite ; la charité pense aux âmes et pas seulement aux idées, quoiqu’il reste vrai que les idées de Dieu sont les seuls moyens de bénédiction pour les âmes ; mais il faut “la nourriture au temps convenable…”

Quant à la sympathie de Christ, c’est un sujet très important. Il est évident pour moi, que lorsque Paul parle d’accomplir ce qui manque des souffrances de Christ, il parle des souffrances qui restent à accomplir, après celles que le Christ a accomplies sur la terre. Paul se charge, à son tour, de la souffrance. S’il parlait d’un Christ qui souffrait encore, je ne vois pas qu’il pût dire : les souffrances de Christ qui manquent. Ces paroles me semblent être en contraste avec ce que Christ avait déjà souffert ; Paul prenait sa place pour continuer. Ne pensez pas que je nie par-là les souffrances de Christ comme Tête du corps, car j’y crois, et c’est pour moi la plus douce pensée possible. Je crois seulement qu’il est important que l’idée soit assez mûre pour devenir un sujet d’édification et non de controverse. Elle est pour moi trop précieuse et trop près des affections pour cela. Il y a des sujets qu’il faut toucher délicatement. Je ne nie donc pas les souffrances de Christ en sympathie ; j’y crois pleinement ; seulement je doute qu’on puisse appliquer Col.1 v.24, à ce que Christ souffrait dans le ciel. (Sympathiser n’est pas, comme vous sembler le croire, souffrir de la même manière que vous. Je pourrais être appelé, comme vous le dites, à vous couper le bras ; certainement, je pleurerais plus que vous, mais mon bras n’est pas coupé. Je sympathiserai, mais je ne souffrirai pas en moi-même la chose faite ; je souffrirai de voir souffrir un autre. Je ne dis pas du tout que l’on souffre moins, mais on souffre autrement.)

Quant à votre article, il m’a beaucoup intéressé, et je crois qu’il peut être béni pour les âmes. La rédaction aurait besoin d’être revue ; il y a des passages qui ne se lient pas. J’aimerais beaucoup qu’on le publiât, mais il me semble que vous ferez bien de peser et de mûrir l’expression de vos pensées. Il s’agit pour nous de manœuvrer en présence de l’Ennemi et de ne pas prêter le flanc à ses attaques.

Je répète que je ne crois pas que ce passage : “Ce qui reste encore à souffrir des afflictions du Christ,” puisse se dire d’un Christ souffrant avec Paul, quoique d’autres passages prouvent (et je le crois) ses souffrances en sympathie avec lui. Je n’émets ici que des principes ; pour les détails, il me faudrait relire votre article.

Votre affectionné frère.

 

J N Darby – Lettre No. 142

20 octobre 1876

A M. B.

Bien-aimé frère,

J’ai suivi avec un intérêt soutenu tout ce qui se passe dans l’Ardèche et dans la Drôme, mais ma part dans cette pénible histoire a été plutôt auprès de Dieu que de m’en occuper avec les hommes. J’ai lu le récit de G. ; F. m’a écrit, ainsi que C. à qui j’ai répondu, mais seulement d’une manière générale ; j’ai trop bien connu la plupart des acteurs pour ne pas avoir une idée de la part que chacun a prise, mais à moins d’y être appelé de Dieu, je n’entrerai pas directement dans les difficultés des assemblées ; je crois que cela se fait trop souvent, tandis qu’il s’agit plutôt de réveiller la conscience d’une assemblée troublée. Je reconnais qu’une assemblée peut tirer profit des conseils d’un frère plus exercé qu’elle dans les choses de Dieu ; je reconnais aussi pleinement que nous sommes tous un, et que si l’un souffre, tous souffrent avec lui. Ce que je crains est la substitution de l’influence individuelle au réveil de la conscience de l’assemblée. J’ai pleine confiance que cette pénible bourrasque tournera au profit des frères. On s’apercevra de la main de Dieu, on deviendra plus sérieux. Des vérités qu’on a un peu négligées viendront en mémoire, la mondanité sera jugée, ainsi que toutes les choses par lesquelles on a contristé le Saint-Esprit ; on sentira davantage que l’on dépend de la grâce dans laquelle nous nous trouvons. Ce qu’il faut chercher, c’est que les âmes ne s’égarent pas tout à fait dans ce conflit, et n’abandonnent le chemin du Seigneur. J’ai appris qu’il y a eu schisme aux O. Il faudra grâce, patience et fermeté pour y faire face ; fermeté dans la marche de ceux qui ont, je le crois, quitté le local et ne sont pas sous l’influence de G., fermeté à l’égard de ceux qui mènent les 13 qui ont gardé le local, mais témoignage de regrets envers ceux qui sont menés, le schisme est un mal ; ce péché a été commis sous l’influence de ceux qui n’étaient pas de l’assemblée. Rom.16 v.17, nous montre clairement notre chemin dans ce cas, et 2 Thess.3 v.14, 15, l’esprit dans lequel nous devons agir, afin que tous soient ramenés et qu’aucun ne se dévoie tout à fait et d’une manière permanente. Mais tout ceci n’est pas d’hier, et il y a eu trop de faiblesse, trop peu de spiritualité en général pour qu’on s’étonne que Dieu châtie ; c’est pourquoi ceux qui souffrent doivent se placer devant Dieu en reconnaissant sa main, et Celui qui a frappé guérira. Le Seigneur n’a pas pris la coupe qu’il a dû boire pour nous, ni de la part des hommes, ni de la part de Satan, mais de la main de son Père. En ce qui nous regarde, cela adoucit la peine et l’amertume, et nous rend plus humbles et plus sérieux ; puis nous pouvons prier pour les autres. J’ai confiance dans le Seigneur qu’il ramènera l’ordre et la paix ; il se peut que pour quelques-uns, ce ne soit pas de si tôt, mais dans ce but il faut que ceux qui ont raison se conduisent avec grâce, voyant la main de Dieu, mais avec fermeté en rejetant le schisme et en faisant sentir à ceux qui l’ont causé, que ce n’est pas chose légère de l’avoir fait. J’ai déjà dit que cela doit se faire avec une douleur de cœur bien éloignée de la hauteur ou de la haine.

Que Dieu lui-même agisse par sa grâce au milieu de vous…

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J N Darby – Lettre No. 145

J N Darby
John Nelson Darby

Genève, 24 septembre 1844

A M. B. R.

Cher frère,

Je saisis l’occasion de l’envoi des lettres ci-jointes aux frères pour vous dire que j’ai remis, selon votre demande, vos tableaux au frère S. Vous ne dites pas, paraît-il, si vous voulez les publier ; je ne sais si vous avez pris quelque résolution à ce sujet. Je crois vous avoir dit, dans ma lettre, ce qui me frappait, mais que l’ensemble serait très bon ; seulement j’aimerais mieux omettre les pensées sur les paraboles, ce qui du reste n’entre pas directement dans votre cadre. Je crois qu’il y a encore de la lumière à recevoir sur ces paraboles. Et votre article sur les souffrances de Christ, l’avez-vous revu et un peu rédigé ? Les lettres que je vous envoie intéresseront les frères ; ils verront un peu où en est l’œuvre en certains quartiers, mais elles sont pour les frères. J’en ai lu une partie à l’assemblée dimanche, à l’heure que les frères d’ici avaient fixée, pour pouvoir les envoyer plus vite aux frères de V. ; mais cela a laissé une mauvaise impression sur mon âme, comme si l’on publiait la bonté de Dieu pour s’en vanter un peu. J’ai dû m’en humilier devant Dieu et le prier que cela ne fît pas de mal, car il est triste d’avoir ces choses autrement que comme sujet de prières et de travail devant lui, ou pour la joie et les actions de grâces des frères, quand l’occasion s’en présente.

Saluez cordialement tous les frères.

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J N Darby – Lettre No. 144

Genève, 15 septembre 1844

A M. B. R.

Cher frère,

J’ai lu votre tableau, sur les mots …,…,…,… (mots en grec) avec assez d’attention. J’ai parcouru votre second tableau sur les évangiles, et je saisis un moment pour vous en dire un mot. Mais d’abord, je vous communiquerai mes remarques critiques sur les mots ; je les ai faites après avoir de nouveau examiné tous les passages.

…. (mot en grec) (conf.1 Tim.4 v.14; 2 Tim.1 v.10; 2 Thes.2 v.8), est pour moi l’apparition, non pas la révélation, comme si l’on sortait d’un lieu où l’on était caché auparavant. Sans doute, l’apparition est nécessairement opposée à l’idée d’être caché, mais elle est le fait d’être vu ou visible, de paraître, comme le soleil luit. Il a paru, il paraîtra de nouveau. C’est-à-dire qu’il y aura un état de chose dans lequel il ne sera pas caché, ni comme non existant (sauf pour la foi), mais où il sera apparent. Ce n’est pas l’acte de sortir comme….. (mot grec). Mais l’état de luire, en sorte qu’il est visible. Sans doute, la chose sera vraie, au moment de sa … (mot grec) et de son … (mot grec) mais elle reste vraie après.

(mot grec) est en contraste avec ce qu’il a été auparavant, savoir caché quoique existant, et d’une existence connue. Ce terme ne nous est appliqué que lorsque notre vie a été présentée comme cachée avec Christ en Dieu. (Col.3 v.4).

….. (mot en grec) (conf. Rom.8 v.19; 1 Cor.1 v.7; 1 Pierre 1 v.7), est dit plutôt de quelqu’un qui a le droit de paraître en gloire et qui paraît ainsi, en effet, à la confusion de ceux qui n’ont pas voulu reconnaître la gloire. Aussi ce terme est appliqué au jugement ou à la gloire ; c’est quelque chose de glorieux qui éclate.

…… (mot grec) signifie mettre au grand jour et s’applique au péché. (Eph.5 v.13 ; 1 Cor.4 v.5; Luc 8 v.17 ; Marc 4 v.22, etc.)

……. (mot grec) signifie présence, en contraste avec absence, et aussi le fait de devenir présent après avoir été absent. (1Cor.16 v.17 ; 2 Cor.7 v.6, présentent ce dernier sens, et Phil.2 v.12; 2 Cor.10 v.10, le premier). Ce mot nous donne évidemment l’idée de sa présence au milieu de la scène dans laquelle sont nos affections, nos craintes, nos espérances, nos joies, nos douleurs, et où sa présence ou son absence peuvent agir sur ces choses. De sorte que la présence de Christ dans la création se rapporte aux espérances et aux affections de la personne qui en parle. D’une manière générale, c’est son arrivée dans la scène dont il est actuellement absent. Si mon âme s’occupe de pensées célestes, elle le rencontre dans le ciel, si des terrestres, elle salue son introduction dans ce monde, en sorte que ce mot s’applique à l’une et à l’autre, à son arrivée pour recevoir l’Eglise en l’air, et à son arrivée sur la terre pour y accomplir les desseins et le jugement de Dieu.

Ces remarques peuvent apporter quelque modification à l’expression de quelqu’une de vos pensées, mais elles sont, en général, d’accord avec votre tableau et enlèveront peut-être quelque difficulté qui reste sur le mot….. (mot grec).

Quant aux noces de l’Agneau, il me semble qu’il vaudrait mieux, ne pas mettre autre chose, mais laisser de côté ce qui regarde les Juifs et les paraboles. Je suis tout à fait d’accord avec ce que vous dites sur les noces mêmes, mais votre interprétation de la parabole des vierges présente des difficultés qui, pour moi, sont insurmontables. Il faudrait d’abord qu’un résidu des Juifs fût auprès du Seigneur, comme ses amis, avant les noces. Il n’y a point d’épouse ici, parce que, dans ce cas, Jérusalem sur la terre serait l’épouse. Je ne crois pas qu’en Luc 12 v.36, il soit question des noces de l’Agneau ; ce n’est qu’une similitude de ce que les disciples devraient être quant à leur état moral.

Quant à Dan.11, ma conviction actuelle est que, du v.21 au 35e, c’est de l’histoire. Le personnage nommé dans ces versets est non pas le dernier roi, car historiquement ce n’est pas le cas, mais le dernier ici (sauf au v.40) parce que c’est lui qui a été le type de l’Antichrist. Aux v.36-39, c’est l’Antichrist lui-même. J’ai dit, en méditant Daniel, que certains frères considéraient les v.21-35 comme parlant de l’Antichrist, mais que ma conviction était ce que je viens de vous dire.

Ayant fait ces remarques en toute liberté, afin que vous vous en serviez selon votre volonté, je puis vous dire qu’en général votre tableau m’a fait grand plaisir et, si vous mettez de côté l’explication des paraboles, je crois qu’il pourrait être profitable aux frères. Je n’impose pas du tout ma pensée sur les paraboles, mais dans un résumé pareil, cela prêterait plus à la controverse qu’à l’édification parce que le tableau se présente pour être consulté comme un ensemble, et non pas comme un traité où la question serait discutée. Si vous aimez à publier vos pensées sous forme de traité, je n’y vois point de mal du tout, seulement je vous engage à les reconsidérer auparavant.

Saluez affectueusement tous les frères. Que la paix de notre Dieu, sa grâce et sa miséricorde soient en abondance avec vous et tous ses chers enfants. A la hâte.

Votre affectionné frère.

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J N Darby – Lettre No. 146

J N Darby
John Nelson Darby

CXLVI – 146

Lausanne, 2 janvier 1845

A M. B. R.

Bien cher frère,

J’ai lu les deux correspondances que vous avez eu la bonté de m’envoyer et je vais, sans préface, vous en dire quelque chose. La chair de M., douce, accueillante et flatteuse, me plaît moins que la franche étourderie de H., quoiqu’elle soit moins blessante. Quant à la confiance en sois je ne vois pas grande différence entre les deux ; et vous voyez, du moment que son système charnel et incrédule tombe, frappé à sa base, de quelle manière toute douceur disparaît chez M. “C’est un sophisme jésuitique,” dit-il. Il parlera de l’amour tant que vous voudrez, mais jamais de ce qui touche sa conscience. Je crois qu’il est dans le plus triste état possible. Le seul vrai témoignage quant à lui, je suis peiné de le dire, c’est de l’éviter. Il évite tout ce qui peut blesser la chair, en évitant tout ce qui peut la juger, parce qu’il veut pouvoir marcher tranquillement lui-même. Cela lui donne un air d’amabilité, de douceur et de charité, mais tout cela ne fait que l’œuvre de l’ennemi. Si l’on s’y oppose, on a l’air de contester et de ne pas avoir cette charité ; si l’on est avec lui sans opposition, on consent au mal qui se fait. Dieu sait mettre cela à nu, mais c’est lui qui le fait. Vous voyez qu’il s’est déjà donné la réputation d’un homme opprimé, à cause de ce qu’il appelle vos attaques. C’est ainsi, sachant tout le mal qu’il fait aux âmes simples par ces moyens, que j’ai pris un parti aussi décisif que celui de refuser d’aller le voir ou de l’inviter…

Quant à H., vous avez été blessé, cher frère. Vous auriez dû vous tenir au-dessus de son manque de sagesse ou de savoir-faire, et lui montrer en amour que ses lettres manquaient pour le moins de maturité, et enfin aussi de sagesse. Cela lui aurait fait du bien. Je lui ai écrit, peut-être trop franchement, mais j’aurai senti que je manquais à la charité, si je ne lui avais pas dit ce que je pensais. Je n’ai pas encore de réponse ; j’espère que Dieu agira dans son cœur.

J’ose vous engager, cher frère, à ne pas beaucoup écrire dans ce moment. Lorsqu’on étudie l’exégèse ou plutôt la Parole dans ce but, sans s’occuper des âmes, il y a toujours du danger. On poursuit des idées. La recherche des âmes est un correctif ; il faut savoir appliquer notre savoir à leur état, sans cela il ne vaut rien. Etre clair à soi-même n’est pas être clair aux autres, tout en révélant la vérité. La grâce et la vérité sont venues par Jésus-Christ. Quand notre intelligence est trop en activité, la vérité cesse d’être un lien entre l’âme et Dieu. Je n’ai jamais rencontré une personne, lisant beaucoup la Parole sans agir en charité et en responsabilité vis-à-vis des âmes, qui ne tînt pas à des idées quelquefois de peu d’importance et souvent erronées. La vérité n’est pas même un lien entre ma propre âme et Dieu. Elle devient “subjecta veritas quasi materia,” et cela est doublement fâcheux quand il s’agit de la Parole. Si vous vous mettez à produire beaucoup, je vous engage à le produire pour les âmes et spécialement pour les pauvres pécheurs. C’est inconcevable quel bien cela nous fait à nous-mêmes, combien l’on devient petit, et de quelle manière la vérité prend sa place. J’ai dit “produire”, parce qu’on peut étudier sans produire ; toutefois ce qui cherche les âmes est toujours bon en soi ; ce sont des réalités de la foi et non pas nos idées, et nos propres âmes trouvent leur vraie place devant Dieu. Il est évident que cela ne détourne pas des études bibliques ; au contraire, elles sont beaucoup plus profitables, parce que l’Esprit de Dieu, ayant sa véritable activité, selon sa nature, agit librement dans la communication qu’il nous fait des choses divines. C’est ce que j’ai souvent trouvé.

Au reste, Dieu agit en nous aussi bien que par nous, et la première de ces choses n’est jamais agréable, mais très profitable. Quelquefois ceux qui ne savent pas ce qui en est, pensent avoir perdu son amour, parce qu’il les force à se reporter sur eux-mêmes pour leur bien. C’est une discipline pénible, mais qui a pour but de nous faire jouir de lui plus réellement, et de nous placer dans le vrai, du fond du cœur, au lieu d’être heureux à la surface, ce qui est au-dessous étant trop négligé. Tout cela est notre faute, mais c’est la bonté de Dieu qui veut que nous jouissions plus profondément de lui, nous nettoyant de tout ce qui entraverait, si la conscience était en plein exercice, et nous faisant juger tout cela. Au lieu que nous puissions le voir tout simplement, lui qui est notre pleine joie, il met dans la conscience quelque chose de caché, à notre insu, soit dans le cœur, soit dans la nature, et au moins il nous arrête en chemin. Il est fidèle dans son amour ; si nous le connaissons, nous voyons bientôt que c’est lui, et la confiance renaît, si l’œuvre n’est pas finie. Laissez-vous aller entre ses mains, cher frère, et s’il agit, ne le gênez pas, pour ainsi dire, dans son œuvre. Pour que nous soyons bénis et que notre œuvre ne soit pas un danger pour nous, il faut qu’il agisse en nous afin qu’il agisse par nous. Laissez-le faire et ne nous hâtons pas. Il est parfait et fidèle dans son amour.

En grande hâte, votre bien affectionné frère en Jésus, notre Seigneur et précieux Sauveur. Saluez beaucoup tous les frères. J’espère, si Dieu le veut, les voir sous peu, mais je ne sais trop quand.

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J N Darby – Lettre No. 148

J N Darby
John Nelson Darby

Plymouth, 13 février 1846

A M. B.R.

Bien-aimé frère,

Il ne faut pas penser que Dieu se soit montré contre les frères. Bien au contraire. Ce qui est vrai, c’est qu’il y a eu des épreuves très grandes. Mais je n’ai jamais été autant convaincu que Dieu aime les frères et qu’il veut les garder. Ce qui est vrai, c’est que l’ennemi avait cherché à bouleverser tous leurs principes et à les éprouver par une pierre de touche, d’une manière à laquelle la chair n’aurait su échapper ; mais cela a bien démontré, en nous humiliant, il est vrai profondément, que nos principes étaient du fin or. Dieu les a reconnus en humiliant ceux qui les professaient tous. Mais la scission n’a eu lieu qu’en deux endroits et, dans le second, elle n’a été accomplie que la semaine passée ; dans les deux décidément en bien, selon moi, pour les frères qu’on travaille, je n’en doute pas, pour faire un parti ailleurs. Mais je crois que Dieu a mis sa main sur l’œuvre des adversaires, et qu’ils ne pourront guère faire plus, parce qu’on la connaît maintenant. Dieu a pourvu à cela, malgré toutes les ruses qu’ils ont employées. Peut-être notre patience sera-t-elle exercée, et ce sera notre bien. Mais Dieu nous a manifesté sa bonté d’une manière dont, pour moi, je n’ai jamais vu la pareille. Jamais nous n’avons eu de réunions aussi heureuses, ni autant l’esprit de culte, tout pauvres que nous soyons. Je crois pouvoir dire (tout en étant certain que l’on moissonnera encore çà et là ce qui a déjà été semé) que la plaie est arrêtée.

Dieu a déjà répondu, je n’ose dire à la fidélité, mais au moins au désir d’être fidèle.

Voilà ce que je pense des affaires d’ici. S’il y avait eu plus de spiritualité, la chose aurait été, ou aurait pu être guérie en bloc. Dieu a agi selon l’état de l’église et en cela, il me semble, beaucoup plus solidement dans les consciences individuelles. J’ai laissé la chose telle quelle, en suivant, je crois, les pensées de Dieu ; et j’en suis heureux.

Ne soyez pas découragé, cher frère, au sujet de votre chère fille. Il est des cœurs qui se referment au milieu de la foule, et qui, souvent, ne sont au large qu’auprès de Dieu. Quelquefois cela se rattache par un côté à quelque faute. Mais ils n’ont de confiance que quand ils sont près de Dieu et se cachent au milieu du bruit du monde où des esprits plus hardis se font jour. Dieu a soin de ces cœurs, mais il faut les soigner autant que les autres, car la chair qui est toujours là, tendra toujours à se rapprocher du monde. Si la vie est là, comme je n’en doute pas, il faut la cultiver comme chez une autre âme, abandonnant sa manifestation à Dieu. On a dit : La grâce de Dieu, dans le cœur de l’homme, est une plante délicate dans un mauvais climat. Il faut y penser.

Quand la foi de votre fille s’affermira et s’appuiera moins sur sa joie en Christ, ou plutôt sur la joie qui découle de lui, votre fille aura plus de confiance devant le monde. Il faut attendre l’œuvre de Dieu, et, en attendant, veiller pour que le monde ne gâte pas cette œuvre. On a de la peine à retrouver la première fraîcheur ; mais si elle est gardée, tout ceci se retrouvera plus tard, plus solide, et plus complètement Christ lui-même.

Je ne saurai rien dire, cher frère, sur la résurrection juive, mais, quoiqu’il en soit, voici, sur Jean 11, ma pensée, qui, du reste, est pour le fond la vôtre. Je crois que l’action de Christ comme résurrection et vie, répond à sa position. Etant sur la terre, il vivifie Lazare d’une vie qui le laisse sur la terre. N’étant présent maintenant que spirituellement. Lorsqu’il reviendra, il ressuscitera ceux qui ont cru, bien qu’ils soient morts (littéralement), et ceux qui vivent et croient en lui ne mourront pas (littéralement). C’est là le seul sens complet de ce passage. Je ne sais pourquoi on ne l’appliquerait pas à la résurrection des fidèles. Je ne doute nullement que les Juifs se soient trompés, au v.36, sur les larmes de Jésus. Le Seigneur avait sur son cœur le sentiment de la puissance de la mort sur ses pauvres créatures.

Le passage de 2 Pierre 1 v.10, ne m’a jamais beaucoup arrêté, parce que le mot grec …. n’a pas seulement le sens de rendre ferme, mais de la conviction d’une vérité dans laquelle nous sommes affermis, comme, par exemple, au v.19 : “Nous avons la parole prophétique, rendue plus ferme” (……) cas parfaitement pareil. La parole pas plus que l’élection (moins si l’on veut, puisque Dieu s’est exprimé dans la parole) ne saurait être rendue plus ferme, mais le terme veut dire qu’elle a été confirmée, savoir par la transfiguration. Or la conscience (le sentiment intime ou conviction intérieure) de notre élection nous est affermie, si nous marchons selon Dieu, cela est certain. Le Saint-Esprit, Dieu, a sa liberté dans nos cœurs et s’y entretient.

Quant à Héb.12 v.22, 23, l’emploi du mot “et”, (l’a-t-on remarqué ?) tend à faire interpréter le passage ainsi : “et à des myriades d’anges, l’assemblée universelle ; et…” l’emploi du mot myriade est connu dans le cas des anges, comme en Apoc.5 v.11 ; d’autre part, … l’assemblée universelle, est employé pour l’assemblée d’Israël. L’emploi de ce mot dans les autres classiques est trop connu, pour qu’on ait besoin d’en parler. Il me semble que la pensée des myriades d’anges suggère à l’apôtre cette belle assemblée solennelle et joyeuse de tous. J’ai pensé depuis longtemps, sans chercher à imposer mon idée à d’autres, que “l’assemblée des premiers-nés écrits dans les cieux” formait l’Eglise proprement dite, et les “esprits des justes consommés,” les saints de l’Ancien Testament, d’une manière spéciale. Il ne faut pas oublier, dans ce passage, l’absence de l’article qui donne une force caractéristique et non objective à la phrase, ainsi : “à une montagne de Sion”, en contraste avec “une montagne qui peut être touchée”.

J’espère que notre cher R. ne manque de rien. Saluez bien affectueusement tous les frères.

Votre tout affectionné.

P.-S. – En effet, je suis très heureux et béni dans mon travail; nous le sommes tous plus que jamais, mais je suis occupé à tout instant. Je suis forcé quelquefois de renvoyer un peu ma réponse à des lettres qui demandent une étude suivie.

J N Darby – Lettre No. 147

J N Darby
John Nelson Darby

Plymouth, 1er novembre 1845

A M. B. R.

Bien cher frère,

Quelques mots seulement. Je ne réponds pas à ce que vous avez dit sur la 4ème classe de la première résurrection. La chose m’intéresse beaucoup, parce qu’elle se lie à tant de passages et même, de près, à tant de vérités, qu’on devrait l’examiner d’une manière un peu suivie pour pouvoir s’en former un jugement quelconque. Aussitôt que j’aurai pu le faire, je vous en dirai quelque chose. Cela se lie aussi à quelques pensées que j’aie eues sur Apoc.14, mais j’ai un tel sentiment de mon ignorance sur ces points, que ce serait folie d’en dire grand-chose ; il est vrai que cela en rend la recherche d’autant plus intéressante. Je crois seulement qu’il est mauvais de se hâter d’établir un système là-dessus, à cause de la petitesse de nos esprits, au prix de Celui duquel le système, ou plutôt la révélation est sortie. Nous connaissons en partie ; nous recevons (par la foi) des vérités isolées. La liaison de ces vérités provient de l’activité de notre esprit. Je ne dis pas que le Saint-Esprit ne nous aide pas – pourquoi en douterions-nous ? – mais ce n’est plus une révélation proprement dite, et la somme en est toujours incomplète, en sorte que, si nous nous bornons tant soit peu à cela, d’autres vérités sont exclues, perdent leur force, et l’âme et la communion avec les frères (qui peut-être ont appris d’autres vérités) en souffrent. Quant à la traduction, (2e édition de la Version dite de Lausanne) je travaille loin de la plupart de mes ressources en fait de livres, de sorte que je présente mes notes que comme pouvant servir à l’utilité commune, et, dans cette œuvre, il s’agit évidemment de cela. Je reconnais, dans cette traduction (celle qui existe), un travail consciencieux, mais l’examen suivi que j’en ai fait m’a convaincu qu’elle est parfois un peu moins littérale qu’on ne le pensait. Voici ce que j’ai fait dernièrement dans un travail que j’avais entrepris sur le Nouveau Testament anglais : au commencement, je n’avais pas pensé à des améliorations critiques du texte reçu. Etant en voyage (car je n’y travaillais qu’à des moments de loisir), j’avais mon Tischendorf comme livre de voyage. Maintenant, je me suis un peu arrêté à ceci : j’ai une édition avec le texte de Scholz et, dans la marge, le texte reçu, celui de Griesbach, Scholz et Tischendorf. S’il y a accord entre eux, et que les témoins démontrent d’une manière peu équivoque le vrai texte, je l’accepte. S’il y a une variante de quelque importance, appuyée par un bon nombre de témoins, je mets, dans la marge, “plusieurs” ou “quelques-uns” lisent telle ou telle chose. Je ne touche pas la question, quand cela devient une affaire de critique, parce qu’il s’agit d’une traduction et non pas d’une édition critique. Si tous ceux qui ont examiné le texte sont d’accord, c’est une folie de donner une mauvaise leçon. Dans le cas où il y a un grand nombre d’autorité pour une chose, je puis raconter historiquement que ce fait existe, mais je n’entre pas dans le domaine critique proprement dit. J’en profite, mais je ne l’entame pas ; ce n’est pas là ma besogne.

J’enverrai demain, je le pense, les notes sur Matthieu ; les autres suivront de près, Dieu aidant. Les remarques sur les épîtres seront tout autrement importantes. J’ai suivi la marche des traductions dans mes notes.

Quant au passage d’Apoc.5 v.9-10, le texte est bien embrouillé, tellement, qu’on ne doit pas beaucoup insister doctrinalement sur ce qui tient aux variantes dans ce passage. Scholz lit : nous au v.9. Griesbach aussi ; le seul manuscrit ancien de l’Apocalypse le rejette. Au v.10, Scholz et Griesbach lisent …, (mot grec) (“Tu les as faits rois, etc.”) avec la grande majorité des témoins. Scholz et Griesbach retiennent …(rois). A Copt., Vulg. sont les autorités pour ….. (mot grec) (royaume). Il y a presque autant de témoins, plus même, pour “ils régneront”, que pour “ils règnent”, mais le seul ancien ms. cité favorise la dernière leçon…

Il reste une question sur les quatre êtres vivants, que vous n’avez pas encore entamée. Sont-ce des symboles d’un certain caractère de puissance, laquelle se trouve manifestée dans le service de certains êtres qui ne sont pas nécessairement toujours les mêmes ? Qu’est-ce qu’un séraphin ? Il ne se trouve qu’en Es.6, sauf le serpent d’airain. Je doute un peu de votre doctrine de la sacrificature. Il faut premièrement démontrer qu’il y en ait une qui ne soit pas du caractère de celle de Melchisédec. “Ils régneront sur la terre,” ne signifie pas le siège de la souveraineté, mais son objet.

J’ai été interrompu et je m’arrête. Paix vous soit, cher frère. Que Dieu daigne garder les frères dans la simplicité et dans l’humilité, et que leurs cœurs soient unis. Qu’il les fasse prospérer par le souffle de son Esprit. Saluez nos chers amis très affectueusement de ma part. Que la présence de Dieu en Esprit soit au milieu de vous tous ; c’est là notre joie. La seule chose qui m’ait fait de la peine dans la brochure Herzog (Brochure hostile à l’écrivain de la lettre), c’est que c’est un frère ; sauf cela, il y avait seulement à n’en pas tenir compte.

Votre tout affectionné.

 

J N Darby – Lettre No. 149

J N Darby
John Nelson Darby

Plymouth, 17 juin 1846

A M. B. R.

Je ne sais pas trop comment vous auriez des nouvelles officielles, vu qu’on ne m’écrit pas en français de nos côtés ; mais je n’en suis pas moins sensible à votre bonté. Je vous en remercie bien. J’y suis d’autant plus sensible que je ne mérite point tant d’égards de la part de mes chers frères, mais, heureusement, l’affection ne se mérite pas. Elle croît dans le bon terrain de la grâce de notre Dieu. J’ai repris mes travaux sur la traduction (Version dite de Lausanne). Mais il ne manque pas d’affaires qui se sont accumulées pendant ma maladie ; peut-être Dieu a-t-il voulu que ce travail fut interrompu.

Et maintenant, en réponse à votre question sur l’évangélisation, je me réjouis à la pensée que vous vous occupez des âmes, cela nous fait toujours du bien à nous-mêmes. On ne saurait répondre d’une manière catégorique à une demande semblable, parce que j’agirais différemment dans ces cas différents. En général, on place l’Evangile dans sa simplicité devant l’âme, sans l’engager à prier, comme notre cher frère R. le veut, parce que les âmes placent toujours quelque chose entre elles et leur salut, et attachent à ce quelque chose de l’importance, comme à tout ce qu’elles font. On voudrait quelque chose dans l’âme, avant qu’elle soit aimée et lavée ; c’est le cas même de la plupart des chrétiens évangéliques, tandis qu’il faut leur présenter Christ sagesse, justification et rédemption. De sorte qu’en thèse générale je suis d’accord avec R. – Mais voici où l’autre principe entre, non pas seulement dans le cas d’un athée, mais en bien d’autres. Je présente Christ à une âme, la conséquence en est qu’elle est travaillée, pas encore affranchie. Ici donc, j’ajoute quelque chose que vous me semblez omettre dans ce que vous me dites soit de votre part, soit comme étant les vues de R.

Ce n’est pas seulement : “Crois et tu sera sauvé,” car le témoignage de Dieu convainc l’âme de péché. Ceci est un fait, et un fait qui doit absolument arriver, si l’âme est vraiment pénétrée de l’Evangile. Ce n’est pas la présentation de la foi comme moyen de salut qui fait cela, mais la révélation de Christ à la conscience, de Christ qui, comme la lumière, rend l’âme sensible à ce qui est au-dedans. La foi dans ce sens produit la conviction salutaire, mais pénible, et pas la paix. Souvent il y a un intervalle assez long (je ne dis pas : il doit y avoir ; car ce n’est pas le cas, lorsque l’Esprit agit en puissance) entre la conviction du péché et l’affranchissement. Il y a un autre effet de la foi à présenter ; non pas seulement la personne de Jésus qui a déjà produit la conviction de péché dont nous parlons, mais l’efficace de son œuvre. C’est ce qu’on doit toujours mettre en avant, mais ce qui répond toujours dans ce cas à un besoin produit. Mais ici se présente à l’âme cet effet de la foi, savoir la propitiation et l’amour qui l’a donnée. Je n’engage pas l’âme à prier pour la foi. Mais ce qui me paraît ne pas avoir sa place dans vos pensées, ni dans celles que vous me donnez de R., c’est la conviction du péché. On s’y arrête et les docteurs les engagent à prier, c’est mauvais. D’accord ici avec le cher frère R. Mais je cherche cette conviction dans mes entretiens avec une âme et, si elle n’y est pas, je cherche à la produire par la vérité. Cela fait crier : cette âme prie (non pas : “elle doit prier”). A ce cri, la plénitude de l’Evangile est la réponse. Les péchés dont elle se plaint ne lui sont pas imputés à cause du sang de Christ. Ce que je cherche chez un païen ou un chrétien de nom, c’est la conviction de péché. Je la cherche en annonçant la pure grâce gratuite et efficace de Dieu. Où cette conviction se trouve, je présente ce que la grâce a accompli. Il est très important de présenter tout cela comme une chose accomplie à laquelle on croit, sans qu’il soit question de prier, ni de quoi que ce soit d’autre. Mais si je trouve quelque obstacle, quelque chose qui empêche l’âme de faire du progrès, quoiqu’il y ait de la sincérité (et cela arrive quelquefois), des choses que l’Esprit de Dieu doit chasser du cœur avant de lui donner la paix – là je pourrais l’engager à prier. Dans l’état de mélange et de confusion où nous sommes, c’est ce qui arrive. Seulement il faut prendre soin de ne pas mettre des prières ou quoi que ce soit entre l’âme et Christ, car la foi n’est que la vue que l’on a de lui. “La foi,” dans les Ecritures, veut souvent dire aussi : la doctrine que la foi embrasse, ou le système de foi, en contraste avec la loi.

Je présente donc Christ tel qu’il est, comme objet de la foi, et là où le Saint-Esprit agit en puissance, la connaissance du Seigneur déplace et remplace tous les obstacles ; l’âme est affranchie.

On rencontre des cas où j’engagerais à prier, à cause de quelque chose qui fait obstacle. En général, on n’a guère besoin d’y engager une telle âme. Quant à l’élection, il ne s’agit pas de cela en prêchant l’Evangile. Je prêche Christ, Dieu agira dans ses conseils de grâce. Je ne prêche pas Christ mort pour les élus, quoique parmi les croyants, ils soit important de développer les rapports spéciaux de sa mort avec les élus. Sans cela leurs pensées sur son œuvre sont vagues, manquent de stabilité et se mêlent avec l’œuvre du Saint-Esprit dans leurs âmes. J’annonce Christ victime propitiatoire pour le péché, lui Fils glorieux du Père et un avec lui, ses souffrances et sa gloire, et cela à cause du péché. Je leur montre peut-être les ténèbres de l’âme, en leur montrant ce qu’il est, lui, la lumière et la grâce. – Et je leur annonce que quiconque croit en lui est sauvé, pardonné, et jouit de la vie éternelle.

J’explique, au besoin, l’efficace pour ceux qui croient, parce que dans les pays chrétiens de nom, c’est ce dont on a besoin, et l’efficace annoncée leur démontre qu’ils n’y croient pas. Aux enfants de Dieu, l’élection est utile pour les rendre humbles, car tout est grâce ; pour les rassurer, car la grâce est efficace et coule d’une source qui ne tarit pas, d’un conseil qui ne chancelle pas. Ici, l’œuvre et les joies du Saint-Esprit peuvent être précieusement développées.

Me voilà, cher frère, à la fin de ma lettre pour cette fois. Plus il y a de simplicité, plus il y aura de bénédiction. C’est Christ qu’il faut prêcher, Christ Sauveur d’âmes, et d’âmes pécheresses dans leurs besoins et dans leurs misères, fruit de l’amour gratuit de Dieu.

Dieu soit béni, j’ai de bonnes nouvelles en général de l’œuvre en Suisse et en France.

La différence de la prédication maintenant, c’est que l’histoire en général est connue ; on a à en annoncer l’efficace, la gloire, mais, au commencement, cette histoire en présentait la gloire aux âmes par la puissance du Saint-Esprit. Maintenant, il faut y attirer l’attention. L’effet en sera toujours le même, là où le Saint-Esprit agit.

A Dieu, bien-aimé frère. Que Dieu vous dirige et vous fortifie. Saluez les anciens, R., G., et tous nos précieux frères. Ce n’est que par une lettre de G., qui supposait que je le savais déjà, que j’ai su que notre bien-aimé Tapernoux a délogé en paix. Il est heureux. Je soupire ardemment après le moment ; oui, ardemment. Toutefois on accomplit sa journée comme un mercenaire. Assurez sa veuve et sa famille de toutes mes sympathies. Oui, il est heureux ! Oh ! que ce jour arrive où nous serons tous réunis dans la présence et la gloire de Jésus, sans péché.

Votre affectionné.

 

J N Darby – Lettre No. 150

Plymouth, 14 août 1846

A M. B. R.

Bien cher frère,

J’écris seulement quelques lignes au sujet de nos notes sur la traduction de Lausanne. Probablement je suis bien en arrière de leurs travaux. J’ai eu passablement d’hésitation au sujet de ces notes, ayant le sentiment, pas du tout qu’on dû recevoir mes pensées, mais qu’ils seraient un peu trop liés par leur système actuel, pour les recevoir, quand même elles seraient vraies. Toutefois dans les évangiles et encore plus dans les Actes, livre presque entièrement historique, ces difficultés entraient peu en ligne de compte, et j’étais heureux de travailler comme sous-ouvrier si, par ce moyen, quelque chose pouvait être ajouté à l’exactitude d’une traduction de la Parole, à laquelle toute l’Eglise de Dieu en langue française est intéressée. Maintenant, arrivé aux épîtres, cela me préoccupe un peu plus. De plus, je ne sais pas si je ne suis pas trop arriéré quant à l’ouvrage pour me tenir au niveau de leurs travaux. Enfin, j’aimerais savoir ce que vous en pensez et à quel point d’avancement ils en sont dans ce moment. Il y a des questions graves sur la loi, et même des difficultés de langage, en ce que le français ne sait guère rendre les pensées abstraites. “Des œuvres de loi,”, si cela pouvait se dire, est bien autre chose que “des œuvres de la loi”. Or je crois que l’apôtre tient souvent à mettre les choses au clair par le moyen de proposition très abstraites. Maintenant, quant au français, il est clair que nos amis seraient à même de faciliter le maniement d’une langue qui est la leur, pour se rapprocher au moins de l’exactitude du grec, s’il y avait accord quant au sens de ce grec. Sans cela, on travaillerait un peu inutilement, parce qu’on ne chercherait pas à reproduire ce sens. Je prends seulement le mot “loi”, comme exemple. Je crois que leur travail est un travail important. Je suis tout heureux de travailler sur cette base pour le bien de tous, et étant étranger quant à la langue, de le faire dans mon cabinet, inconnu hors de cette limite. C’est ce qui devrait être. Si le travail est bien exécuté, nos frères en profiteront comme les autres, ainsi que toute l’église française. Etant arrivé à ce point de l’ouvrage où les doctrines se développent en détail, je m’arrête un instant seulement pour savoir si mon travail contribuera vraiment en quelque chose à l’œuvre. Il y a des notions de traduction que j’estime peut-être petites ; cela ne me fait rien ; c’est leur œuvre, et je ne fais que travailler aux carrières et à la montagne comme un ouvrier d’Hiram, tout en recevant mes gages du vrai Salomon, et ils sont bons. J’en suis très satisfait, car j’en profite beaucoup pour moi-même. Ma question est seulement si vous pensez que je puisse encore leur être utile dans la tâche à laquelle ils se sont voués. Dites-moi un mot là-dessus. Saluez beaucoup les frères. Je me trouve béni et heureux, par la grâce de Dieu. A la hâte.

Votre tout affectionné

J N Darby – Lettre No. 141

J N Darby
John Nelson Darby

Londres, 22 novembre 1870

A M. B.

Cher frère,

Vous me demandez quelques paroles sur l’apostasie. Je ne tiens pas au mot apostasie. Il exprime plutôt le reniement public du christianisme, que l’abandon de ses principes par ceux qui en font profession. Mais, quant au fond, la chose elle-même est de toute importance pour le cœur et pour la conscience. Aussi longtemps qu’on n’appliquait ce mot qu’aux sectateurs du romanisme, on n’éprouvait aucune peine à s’en servir, mais quand on s’est aperçu que si ce déclin de la chrétienté était arrivé, la conséquence devait en être universelle, on a commencé à se formaliser de l’emploi du mot. L’apostasie ouverte n’est pas encore arrivée, mais bien l’abandon de la foi à la présence du Saint-Esprit, la substitution de l’autorité du clergé aux droits immédiats du Seigneur sur la conscience ; la dénégation de la justification par la foi, l’efficacité des sacrements en place de l’œuvre du Saint-Esprit. En un mot, le plein développement du mystère d’iniquité est précédé d’un abandon du premier état de l’Eglise et des principes sur lesquels elle était fondée, ce qui est une apostasie morale. Jean dit :”Vous avez entendu dire que l’antichrist viendra, et déjà il y a plusieurs antichrists, et à cela nous savons que ce sont les derniers temps.” Ainsi l’apostasie n’est pas venue dans le sens d’un renoncement public au christianisme, à l’autorité de la Parole, et au Christ lui-même, qui caractérise la moitié de la population de l’Europe occidentale. C’est le rationalisme proprement dit, et l’esprit de rébellion qui l’accompagne. Les pensées de l’homme ont pris la place de la parole de Dieu, dont on n’accepte plus l’autorité ; la volonté de l’homme ne veut plus de l’autorité du Christ. Si l’antichrist n’est pas encore là, les antichrists existent depuis longtemps ; si l’apostasie n’est pas là, l’esprit de l’apostasie s’est déjà depuis longtemps emparé de l’esprit des hommes.

Je dis que la chose est sérieuse. Si l’assemblée – car le mot église nous fourvoie beaucoup, puisqu’on se demande ce que c’est que l’Eglise – si l’assemblée de Dieu n’a pas gardé son premier état, si elle a dit : “Mon maître tarde à venir” et a commencé à battre ses compagnons de service, à manger, à boire, et à s’enivrer, il y a longtemps, il y a des siècles, qu’elle a fait cela, et elle sera coupée en deux et aura sa part avec les hypocrites. On dit que Christ bâtit son assemblée sur le rocher, et que les portes de l’enfer ne prévaudront pas contre elle. Je le crois, grâce à Dieu, de tout mon cœur. Mais cela n’a rien à faire avec notre question. Certes, ce que Christ bâtit ne sera pas renversé par l’ennemi ; mais il s’agit de ce que l’homme a bâti. Là, il n’en est pas de même. “Moi,” dit Paul, “comme un sage architecte, j’ai posé le fondement,… mais que chacun prenne garde comment il édifie dessus.” Ici la responsabilité de l’homme entre pour quelque chose, – dans un certain sens pour tout, – dans la question de la bâtisse. C’est bien l’édifice de Dieu, comme dit l’apôtre, mais élevé sous la responsabilité de l’homme ; une chose actuelle sur la terre. Il ne s’agit pas du salut des individus, mais de l’état du système dans lequel ces individus se trouvent. Quand la fin du judaïsme sous la première alliance est arrivée, les âmes pieuses, les croyants, ont été transférés dans l’Eglise, – Dieu en a fini à tout jamais avec le premier système. A la fin du système chrétien, les fidèles seront transportés dans le ciel, et le jugement mettra fin au système où ils ont vécu précédemment ; rien de plus simple. Le vieux monde a péri ; Noé et les siens ont été sauvés. Le jugement d’un système ne touche pas à la fidélité de Dieu, si ce n’est pour la mettre en évidence, en montrant qu’il garde les siens, lors même que tout ce qui les entoure croule sous le poids de son jugement. Mais que peut-il y avoir de plus sérieux que le jugement de ce que Dieu a établi sur la terre, car c’est une chose dure à son cœur ; si Jésus a pu pleurer sur Jérusalem, combien les siens ne devraient-ils pas être émus à la vue du prochain jugement de ce qui était bien autrement précieux que Jérusalem même. C’est ainsi que Jérémie, organe des plaintes de l’Esprit de Dieu sous l’ancienne économie, montre, en des paroles d’une rare et touchante beauté, sa douleur profonde à la vue de la ruine de ce qui appartenait à Dieu. “L’Eternel a saccagé sa clôture, comme un jardin ; il a détruit le lieu de son assemblée… Le Seigneur a rejeté son autel, il a répudié son sanctuaire.” (Lament.2 v.6,7.) Voilà l’esprit dans lequel le fidèle devrait penser à la ruine de ce qui s’appelle du nom du Christ. Mais on me dira : Oui, cela se comprend, quand il s’agissait du judaïsme, mais cela ne peut arriver au christianisme. C’est absolument ce que disaient les Juifs incrédules au temps de Jérémie : “La loi ne périra pas de chez le sacrificateur, ni le conseil de chez le sage, ni la parole de chez le prophète” (Jér.18 v.18) ; fausse confiance qui a attiré la ruine sur le peuple et sur la sainte cité. Mais il y a plus que cela. C’est précisément contre cette fausse confiance que Paul, au chap.11 des Romains, prémunit solennellement les chrétiens d’entre les gentils, c’est-à-dire nous-mêmes, en établissant le parallèle entre les Juifs et la chrétienté. “Considère donc la bonté et la sévérité de Dieu : la sévérité envers ceux qui sont tombés ; la bonté de Dieu envers toi, si tu persévère dans cette bonté, puisque autrement, toi aussi, tu seras retranché”, c’est-à-dire que le système chrétien au milieu des gentils est sujet au même jugement que le système judaïque. Si les gentils qui ne sont debout que par la foi, ne persévèrent pas dans la bonté de Dieu, ils subiront le même sort que les Juifs. Est-ce que le Romanisme est la persévérance dans la bonté de Dieu ? Est-ce que les “temps fâcheux” sont le fruit de la persévérance dans la bonté de Dieu, ou bien cette forme de la piété qui en renie la force, et dont le chrétien doit se séparer ? (2.Tim.3.) Si l’apôtre peut dire que tous cherchent leur propre intérêt, non l’intérêt de Jésus-Christ, est-ce persévérer dans la bonté de Dieu ? Si Paul prévoyait qu’après son départ le mal s’introduirait aussitôt, la puissante main de l’apôtre n’étant plus là pour tenir la porte fermée contre l’adversaire ; si Jude a dû dire que déjà ceux qui étaient des objets de jugement s’étaient glissés dans l’Eglise ; si Jean a dit qu’ils avaient abandonné les chrétiens, étant sortis d’entre eux, un pas de plus que celui dont Jude parle ; s’il a dit encore qu’il y avait plusieurs antichrists et qu’on reconnaissait à cela que c’étaient les derniers temps ; si Pierre nous annonce que le temps était venu pour que le jugement commençât par la maison de Dieu ; est-ce que tout cela nous porte à croire que les gentils ont continué dans la bonté de Dieu, ou plutôt que le système chrétien, établi parmi les gentils, sera terminé par le jugement, le terrible jugement de Dieu ? que, comme profession extérieure, il boira la coupe de sa colère sans mélange, ou sera vomi de sa bouche comme une chose d’une tiédeur nauséabonde ? Cela est solennel pour nos consciences. Allons-nous comme système au-devant des jugements de Dieu ? Assurément les fidèles jouiront d’une part bien plus excellente ; d’une gloire céleste, mais le système chrétien, comme système sur la terre, sera retranché à tout jamais.

Quant à la citation tirée de M.B., elle est entièrement fausse. Les Ecritures parlent de l’assemblée comme étant l’habitation de Dieu ici-bas ; toute la question gît là. Dans une maison il ne s’agit pas d’union, mais de demeure.

Quant au corps de Christ, il ne saurait avoir des membres morts. On peut tromper les hommes, mais celui qui, de fait, est uni au Seigneur est un seul Esprit avec lui. Le corps est formé par le baptême du Saint-Esprit. (1 Cor.12.) Ensuite Christ bâtit une maison qui ne sera achevée que quand la dernière pierre y sera posée, elle croît pour être un temple saint dans le Seigneur. Mais nous avons vu qu’ici-bas, la bâtisse étant confiée aux hommes, il se peut que l’édifice soit mal bâti et attire le jugement de Dieu sur ce qui a été fait. Que l’Eglise ait été établie comme colonne et appui de la vérité, qu’elle soit toujours responsable du maintien de cette position, c’est autre chose que de dire qu’elle l’a maintenue.

La première épître à Timothée nous dépeint l’ordre de la maison de Dieu, et comment l’homme doit se conduire dans cette maison. S’est-il conduit ainsi ? telle est la question. Si oui, d’où vient donc le papisme ? La seconde épître à Timothée règle la conduite du fidèle quand le désordre a été introduit. Déjà les choses du christianisme n’étaient plus dans l’état dans lequel elles se trouvaient précédemment. Au commencement, le Seigneur ajoutait chaque jour à l’Eglise ceux qui devaient être sauvés. Ils étaient manifestés et ajoutés sous les yeux du monde, à un corps bien connu. Mais quand l’apôtre écrit à Timothée sa seconde épître, tout était déjà changé. Tout ce qu’il peut dire, c’est que le Seigneur connaît ceux qui sont siens ; il se pouvait bien qu’ils restassent cachés à l’homme, comme les 7’000 fidèles à Elie. Mais avec cela il y a une règle pour le fidèle, c’est que, quiconque invoque le nom du Seigneur se retire de l’iniquité. Ensuite vient la pensée de la grande maison. Il faut s’attendre à trouver dans une grande maison des vases à déshonneur aussi bien que des vases à honneur. Mais voici encore une règle pour le fidèle : il faut se purifier des vases à déshonneur, et non seulement cela, mais il faut poursuivre la justice, la foi, l’amour, la paix, avec ceux qui invoquent le Seigneur d’un cœur pur. Dans cet état de désordre, je ne puis connaître, comme au commencement, tous ceux qui sont à Dieu ; mais quant à ma marche personnelle, je dois m’associer avec ceux qui ont le cœur pur. De plus, au chap.3, l’apôtre nous enseigne que, dans les derniers jours, des temps fâcheux surviendraient, où il y aurait la forme de la piété, tandis que la force en serait reniée. Pas d’apostasie avouée, car il y a la forme de la piété, mais apostasie réelle, morale, puisqu’on en renie la puissance. M.B. dit que je dois rester là et m’en contenter. L’apôtre me dit : “Détourne-toi de telles gens.” A qui dois-je obéir ? Quand M.B. me dit qu’il est impossible de distinguer les vrais fidèles de ceux qui font profession de christianisme, et que l’apôtre dit que celui qui invoque le nom du Seigneur se retire de l’iniquité, que je dois me purifier des vases à déshonneur, chercher les grâces chrétiennes avec ceux qui invoquent le nom du Seigneur, d’un cœur pur ; comment puis-je écouter celui qui me dit qu’il m’est impossible de distinguer entre les uns et les autres ? S’il me dit qu’il peut y avoir beaucoup d’âmes que le Seigneur connaît, que nous ne reconnaissons pas, je réponds : sans doute, le Seigneur connaît ceux qui sont siens, mais j’ai des directions pour ma conduite dans cet état de choses, qui contredisent les vôtres. Je dois reconnaître ceux qui invoquent le nom du Seigneur d’un cœur pur et m’associer avec eux, par conséquent les distinguer ; me purifier des vases à déshonneur, par conséquent les distinguer, et éviter ceux qui ont la forme de la piété en en reniant la puissance. Il faut donc bien distinguer les deux. Au reste, c’est un principe affreux de dire qu’on ne peut pas distinguer entre les enfants de Dieu et les gens du monde, mais il n’est pas vrai qu’on ne le fasse pas. J’ai dit : un principe affreux, car il est dit : “A ceci on reconnaîtra que vous êtes mes disciples, si vous vous aimez les uns les autres.” Or si je ne puis pas les discerner, je ne puis non plus les aimer, et le témoignage voulu de Dieu est perdu ; ensuite, ce n’est pas vrai en pratique qu’on ne puisse pas les discerner, car on jouit de la communion fraternelle, et tout chrétien fidèle fait la différence entre un enfant de Dieu et ceux qui ne le sont pas. Qu’il en reste qu’on ne discerne pas, mais que Dieu connaît, on ne le nie pas ; mais les passages que j’ai cité de 2 Tim., nous dirigent à cet égard… Que deviendrait l’affection de famille si un père disait à ses enfants : Vous ne pouvez savoir qui sont vos frères et qui ne le sont pas; il vous faut vous associer avec tout le monde sans distinction quelconque ? Je ne cherche pas dans les dictionnaires, comme on nous dit de le faire, mais dans les consciences et dans les cœurs de ceux qui aiment le Seigneur, en prenant la parole de Dieu pour voir quel est l’état de l’Eglise au commencement et ce qu’il est maintenant. Que dit cette Parole pour nous faire savoir ce que l’Eglise deviendra dans les derniers temps ? La Parole est on ne peut plus claire sur la décadence de l’Eglise, sur le caractère des derniers temps, et sur la mise de côté du système chrétien. La Parole est assez claire sur l’unité qui devrait subsister comme témoignage rendu au monde pour qu’il vive. (Jean 17). Si une lettre était adressée par l’apôtre à l’église de Dieu qui est à Turin, qui prendrait la lettre à la poste, si ce n’est ceux du système romain ? L’Eglise, comme elle était au commencement, n’existe plus. Appelez cela du nom que vous voudrez, pourvu que le cœur le sente et qu’on ait à cœur la gloire du Seigneur foulée aux pieds par les hommes. Si l’Eglise, dans son état actuel, n’est pas encore la prostituée assise sur la bête, dont parle l’Apocalypse, l’indifférence de conscience qui peut faire des chicanes sur l’emploi d’un mot, est la preuve la plus sensible de cette tiédeur qui a pour résultat, à la fin, que Christ vomit l’Eglise de sa bouche.

…Au reste, il n’y a rien dans cette ruine de l’assemblée qui ne soit en accord avec l’histoire de l’homme depuis le commencement. Aussitôt que l’homme a été laissé à lui-même, il est tombé ; infidèle dans ses voies il est déchu de son état primitif, et n’y est jamais rentré. Dieu ne le rétablit pas, mais il donne le salut par la rédemption, et introduit l’homme dans un état infiniment plus glorieux, dans le second homme, Jésus-Christ. Lorsque Noé fut sauvé dans la ruine d’un monde entier, la première chose que nous lisons après son sacrifice, est qu’il s’enivra ; lorsque la loi est donnée, avant que Moïse soit descendu de la montagne, Israël avait fait le veau d’or ; le premier jour après la consécration d’Aaron, ses fils offrent un feu étranger, et l’entrée du lieu très saint est interdite à Aaron, sauf au jour des expiations ; jamais il n’y a porté ses vêtements de gloire et de beauté. Le premier fils de David, Salomon, type du Seigneur, est tombé dans l’idolâtrie, et le royaume a été aussitôt divisé. Dans tous ces cas, la patience de Dieu a été glorieusement manifestée, mais le système que Dieu avait fondé en tant que système de relation avec lui, a été mis de côté. Cela est moins évident dans le cas de Noé, parce qu’il n’existait pas de la même manière une relation formelle. La confusion de Babel ayant terminé l’ordre du monde, la tyrannie et les guerres y sont entrées ; mais, pour ce qui concerne l’homme, Israël, la sacrificature, le royaume, quelle qu’ait été la patience de Dieu, l’homme a été immédiatement en chute, et le système n’a jamais été rétabli sur l’ancien pied. Il n’est pas étonnant que cela se retrouve dans l’histoire de l’Eglise, en tant que placée sous la responsabilité de l’homme. Elle a dit : Mon maître tarde à venir, et s’est mise à battre les gens de service et à s’unir au monde. Elle sera retranchée. Le grand principe du Romanisme et d’autres systèmes qui lui ressemblent plus ou moins, et ce qui les rend essentiellement faux, c’est qu’ils attribuent à la chrétienté, à l’assemblée organisée par le moyen des ordonnances, la stabilité et les privilèges immanquables qui n’appartiennent qu’à ce que Christ bâti, à ce qui est opéré par le Saint-Esprit. Toute sorte de fausses doctrines sont la suite de cette erreur. On est né de Dieu, membre du corps de Christ, c’est ce que dit l’article de la Vedetta cristiana ; c’est ce que dit le passage cité de M.B. Il oublie un des deux principaux caractères de l’Eglise selon la Parole, précisément celui où entre la responsabilité de l’homme, celui d’être l’habitation de Dieu sur la terre. Il nous présente l’état dans lequel l’Eglise se trouve actuellement, et certes, elle n’est pas composée de vrais membres de Christ, sans nous en rendre compte, sans nous donner un renseignement quelconque sur ce sujet, pour que nous sachions si cet état est bon ou mauvais, d’où il provient, où il se terminera, et comment la Parole le juge. Les expressions dont il se sert, équivalent à celles des Juifs incrédules du temps de Jérémie. Nous sommes livrés à toutes ces abominations. Personne ne peut dire que l’état de l’Eglise, de la chrétienté ressemble en quoi que ce soit à ce qui la caractérise au commencement, selon la Parole ; il n’y avait, en aucune manière, ni Romanisme, ni l’église nationale, ni dissidents. Il y avait l’Eglise de Dieu, et rien d’autre. – Elle s’est corrompue bien vite, dira-t-on ; – d’accord, mais était-ce un bien ? Il y avait donc une Eglise à corrompre, une assemblée où quelques hommes se sont glissés. Est-ce que cette corruption était un bien, ou amène-t-elle le jugement ? N’y a-t-il pas eu un progrès effrayant dès lors ? Est-ce que l’Eglise de Dieu est rétablie sur la terre ? Dois-je souffrir de son état ? Ne dois-je pas chercher dans la Parole comment cela finira, et y prendre garde ? – Nous l’avons citée cette Parole ; que chacun juge devant Dieu ce qu’elle dit. Si nous nous trouvons dans les temps fâcheux, la Parole ne nous a-t-elle pas donné quelques règles pour nous tracer le chemin dans lequel nous devons marcher ?

Si quelqu’un a la conviction que nous sommes dans ces temps, qu’il lise 2 Tim.2 et 3, et se place devant Dieu qui nous a donné ces instructions, avec une entière confiance en Christ. Le résultat, quant à ses convictions, n’est pas douteux. Qu’il sache marcher avec Dieu. Souvenons-nous que, dans toutes les positions dans lesquelles le premier Adam a manqué, l’homme est glorieusement rétabli dans le second. Mais c’est un sujet, tout intéressant qu’il soit, dans lequel je ne puis entrer ici.

Faites usage, cher frère, comme vous le trouverez bon, de ces pages ; je les ai écrites à la hâte. De 7 heures du matin à minuit, il me faut toujours travailler ; j’ai des réunions chaque jour, puis outre des travaux de toute espèce, j’ai encore la correction de la nouvelle édition du Nouveau Testament anglais, et souvent aussi le français en même temps.

Les frères vont bien.

Je ne savais qui m’avait envoyé la Vedetta jusqu’à l’arrivée de votre lettre. Ma réponse arrive un peu tard, mais cela n’y fait pas grand-chose ; le sujet reste toujours important. Seulement présentez plutôt l’évangile que la controverse.

J’ai écrit sur l’épître aux Romains, vous y trouverez peut-être quelque chose ; cela n’a pas encore paru.

Votre bien affectionné.

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