Londres, 14 septembre 1881
A M. P.
Bien cher frère,
Je n’ai pas besoin de vous dire que je suis bien réjoui des nouvelles que vous me donnez d’Orthez, endroit où j’ai travaillé dans le temps, mais qui a été passablement délaissé depuis longtemps. C’était le champ de presque les premiers travaux et triomphes du cher B., et c’est là qu’a été le commencement du réveil en France.
Quant à moi, cher frère, Dieu m’a conduit tout près des portes de la mort, assez près pour en faire un peu l’expérience de ce qu’elle était, mais pas comme jugement. C’était la dissolution de mon être qui se faisait sentir ; mais l’expérience m’a été utile ; aucune nouvelle vérité ne m’était nécessaire, mais le salut, la grâce, Christ lui-même et son amour, l’amour du Père, tout cela devenait beaucoup plus sensible, beaucoup plus réel, un grand gain pour moi. Probablement, je n’aurai plus la force physique pour travailler comme je l’ai fait dans le temps, mais quoique travailler soit un bonheur pour moi, j’accepte avec joie la volonté de Dieu. Au reste, déjà depuis quelque temps, je sentais que je devais mener une vie plus recueillie à Londres, puis j’ai pu être utile dans les exercices par lesquels les frères ont passé ces temps-ci, exercices solennels mais si profitables, qui ne sont pas finis, mais qui tirent à leur fin. Je travaille dans mon cabinet comme de coutume, et même j’ai assisté à quelques réunions. Une attaque de paralysie, quoique très légère, m’a un peu arrêté, mais je ne m’en ressens que dans la joue droite. Quoique mes membres n’eussent rien perdu de leur force, j’avais de la peine à me maintenir en équilibre ; à présent cela va mieux, mais il faut que je fasse attention à mes pas. Dieu continue son œuvre ; en plus d’un endroit, il y a des conversions, et l’état des frères à beaucoup gagné de toute manière.
C’est la présence de Dieu, cher frère, qui donne la force et la joie et qui nous les donnera toujours. Quelle joie de voir Christ qui nous a tant aimés, le même qui a été sur cette terre, l’ami si accessible aux siens, de le voir réellement et pour toujours. Le travail convient à ce monde, la joie à l’autre, quoique nous la goûtions comme des ruisseaux d’eau, avant d’être parvenus à la source.
Je vous remercie, cher frère, pour toute votre bonne affection. J’aurais aimé voir les frères de Pau, auxquels j’étais très attachés, ainsi qu’à ceux des environs, mais je ne crois pas que ce soit possible : nous nous rencontrerons ailleurs.
Que Dieu ranime les anciens autour de vous, et soutienne les jeunes convertis dans le bon chemin, en les tenant près de lui. Tout le reste périra et s’en ira.
Votre affectionné frère en Christ.
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