J N Darby – Lettre No. 95

J N Darby
John Nelson Darby

Dublin, 1861
A M. P.
Bien-aimé frère,
…J’en viens à vos questions :
1° Je crois qu’il est très fâcheux qu’un frère fasse part de ses pensées, en public, sur des questions ou des choses où il ne connaît pas la pensée de l’assemblée. Au reste, en général, à moins que cela ne soit nécessaire pour avertir, les questions ne devraient pas être amenées devant le public.
2° Ensuite, la question de réception est souvent mal posée. Nous ne sommes pas un corps volontairement associé, mais dans la mesure où nous pouvons l’être, un rassemblement des membres du corps de Christ, un rassemblement des siens, opéré par le Saint-Esprit. Nous ne recevons pas des personnes au milieu de nous pour prendre la cène avec nous ; Christ a dû les recevoir, nous les reconnaissons, étant responsables de garder la sainteté de la table du Seigneur et la vérité de Dieu. Les reconnaître, c’est une affaire de confiance, et qui dépend du témoignage que nous avons de leur vie. Il ne s’agit plus de délibération pour les recevoir, une fois que leur christianisme est constaté, sans en excepter la sainteté et la vérité; car l’Esprit qui conduit les enfants de Dieu est l’Esprit de vérité et l’Esprit Saint. Ils ont droit, dans ce cas, à la table. Reste encore la discipline. En des cas douteux, il est très à désirer que la conscience de toute l’assemblée soit au clair et ainsi au large; mais si l’homme est chrétien, connu comme tel, ou assez connu de quelque personne grave, pour que le témoignage de celle-ci soit une garantie du christianisme de celui qui désire prendre la cène, à mon avis il ne faut pas autre chose. Seulement, il est bon de le nommer devant l’assemblée, et en tout cas de le mentionner à quelques membres graves de la réunion, si l’on n’a pas de temps pour en parler davantage. C’est donc une affaire de témoignage suffisant, car il s’agit de maintenir un esprit de confiance entre tous. Si celui qui présente une âme nouvelle est un chrétien jeune ou léger, il vaudrait mieux que son témoignage fût appuyé par quelques chrétiens qui eussent plus de discernement. On devrait se réjouir de voir arriver de nouvelles âmes, mais on devrait veiller en même temps à ce que la vérité et la sainteté fussent sauvegardées.
3° Il me semble que, si quelqu’un qui ne rompt pas le pain parle dans l’assemblée où l’on rompt le pain, c’est un très grave désordre. Un homme qui se sépare à tort de l’assemblée de Dieu, n’est pas dans le cas de l’instruire quand elle est réunie. Cela n’empêche pas, personnellement en dehors de la réunion. Je reconnais ainsi son don comme membre du corps, mais lui renie cette position si, quand le corps est réuni, dans la mesure où cela peut se réaliser, il ne veut pas y prendre place.
Je ne trouve aucune difficulté en 1 Tim.1 v.13. Premièrement, ce passage n’affaiblit pas une foule de déclarations, voire même de préceptes, relatifs à l’exercice des dons, qui font de cet exercice un devoir pour celui qui possède le don. Ensuite, Timothée n’était nullement un ministre local, ce qu’on appelle un ministre établi ; il accompagnait l’apôtre, ou le remplaçait en des services exigeant quelqu’un qui fût pénétré de l’esprit de l’apôtre, et pleinement informé de ses voies. La prophétie, paraît-il, avait désigné Timothée (1 Tim.1 v.18) ; Paul lui avait imposé les mains (2 Tim.1 v.6) ; ensuite, le corps des anciens lui avait imposé les siennes, pour le recommander à la grâce de Dieu ; l’apôtre lui rappelle, comme motif, toutes ces choses, la prophétie par laquelle Dieu l’avait désigné, et la sanction des anciens qui, en ayant eu connaissance, l’ont ainsi recommandé à Dieu. Ainsi Paul lui-même avait été désigné par la prophétie, et ceux qui étaient les prophètes à Antioche lui avaient imposé les mains, afin de le recommander à la grâce de Dieu pour l’œuvre à laquelle il avait été appelé : telle est l’expression de la parole. Mais Timothée n’a jamais été un ministre établi sur un troupeau. Je crois pour ma part qu’il peut y avoir (et il y en a) des personnes consacrées à l’œuvre et qui exercent leur ministère régulièrement s’appliquant constamment à l’œuvre. Si quelqu’un était désigné par la prophétie pour cette tâche, je ne ferais aucune objection à l’imposition des mains des anciens, s’il y en a. Il est probable, si l’Esprit agissait de la sorte, que les anciens ne tarderaient pas à se retrouver. Je ne ferais même aucune difficulté à ce que, dans la pratique, les frères anciens le fissent – abstraction faite du clergé et de l’établissement des ministres qui est l’œuvre de l’ennemi. Je ne vois rien qui empêcherait de recommander un ouvrier à la grâce de Dieu, en lui imposant les mains en vue d’une œuvre particulière à laquelle il serait appelé. Cela pourrait se répéter chaque fois qu’il devrait entreprendre une œuvre nouvelle ; mais on en a fait une consécration pour arrêter la libre action du Saint-Esprit. Dès lors, c’est une abomination et de la rébellion contre Dieu.
Je ne suis nullement d’accord avec le Messager au sujet de 2 Cor.5 v.3, mais c’est une affaire d’interprétation, de sorte que cela ne me trouble pas. D’après ce que vous dites, l’auteur n’a pas compris le passage ; voilà tout. La force du passage est pour moi très claire. Le mot xxxx (mot en grec dans le texte) met en relief une condition, et le mot xxx y ajoute de la force : nous jouirons de ce dont nous avons parlé – pourvu que, bien entendu, nous supposions que, dans ce cas même où nous sommes revêtus [du corps], nous ne soyons pas trouvés nus [à l’égard du Christ], car dans ce dernier cas, ce serait tout autre chose que la gloire.
Dans ce pays, l’œuvre du Seigneur se poursuit d’une manière remarquable. A Dublin, le nombre des frères a beaucoup augmenté ; il y a un certain nombre d’aimables jeunes hommes, vivants et heureux, quelques-uns louent des chambres pour prêcher dans les mauvais quartiers de la ville (il y a 300’000 habitants), et il y a des conversions continuelles. Avant-hier soir, cinq auditeurs, sur une vingtaine, ont reçu la paix. Je tiens des réunions, souvent deux fois par jour ; une quantité de personnes, des messieurs et des dames aussi, sont profondément attentives ; des gens nobles et riches se convertissent à la campagne, et quittent souvent le nationalisme. Il y a un mouvement remarquable de l’Esprit de Dieu. Cela se fait en dehors des frères; mais partout les principes sur lesquels les frères ont insisté se reproduisent, et pour les grandes réunions où les âmes se convertissent, tout a été organisé sous sa forme actuelle par des frères, au moins par des personnes imbues de leurs principes, un peu trop relâchées pour être admises parmi nous, mais qui suivent en quelque mesure les mêmes principes tout en allant partout. Les livres des frères aussi sont lus. On s’aperçoit bien qu’il y a moins de ce qui est sûr et solide ; mais l’énergie de la vérité pénètre néanmoins et se fait jour.
Que Dieu nous garde près de lui, cher frère, heureux que Christ soit prêché partout, et fermes dans les principes et dans la marche que Christ enseigne, la parole de la patience. Il faut savoir être petit, et il en vaut la peine ; mais lui est toujours grand.
Saluez D. et tous les frères.
Votre tout affectionné.

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