Montpellier, 15 avril 1850
A M. B. R.
Bien cher frère,
Voici ce qu’il me semble, quant à votre second volume. Je pense que plusieurs, ayant le commencement, aimeraient avoir la suite. Lorsque vous l’aurez imprimé, vous pourrez signifier aux souscripteurs que vous ne le mettez pas en vente publique, à cause de la difficulté sentie par plusieurs frères, mais que le volume sera expédié à ceux qui le demanderont. Je ne vois pas pourquoi vous ne le vendriez pas à d’autres qui le chercheraient, sans toutefois le mettre en vente de commerce. Si les souscriptions ne sont pas encore payées, la chose en restera là ; si elles ont déjà été reçues, vous trouvez, sans doute, un moyen de les rendre. Je dis cela comme déférence volontaire aux frères, chose qui ne fait jamais de mal quand la conscience n’est pas engagée. Si elle l’est, c’est une toute autre affaire. Pour ma part, je ne crains pas les divergences sur des questions d’intelligence. Quelquefois ces divergences tiennent à des principes ; alors, de nouveau, c’est une tout autre affaire. Il y a bien des frères avec lesquels je ne suis pas d’accord sur divers points, et avec lesquels, cependant, je suis beaucoup plus lié qu’avec des personnes qui acceptent tout ce que je dis. Au reste, l’amour ne dépend pas de cela, quoique l’unité de sentiment soit un but désirable.
Je crois que Dieu, dans sa grâce, agit en bien dans son Eglise et spécialement au milieu des frères. Ici, il y a vraiment beaucoup de bien, partout des conversions, nombreuses même pour nos temps ; les frères encouragés, ranimés et renouvelés pour ainsi dire, et cela avec, en même temps, un besoin plus senti de réaliser sa présence, comme une réalité au milieu des siens. Lorsque Dieu est là, les difficultés et même les misères s’évanouissent. Il y a aussi quelques nouveaux ouvriers qui sont bénis, et cela est un grand sujet de joie. On voit l’action de Dieu. Il y a également d’assez vastes champs ouverts, sans qu’il y ait des ouvriers pour les visiter. Ici, à Montpellier, où tout était assez mort, le Saint-Esprit agit dans plusieurs âmes. J’ai été au Vigan, où le Seigneur a donné sa bénédiction. On doit reconnaître la bonne main de Dieu et chercher à conserver, autant que possible, cette grâce qu’il nous accorde.
J’ai une lettre de M.F., où il parle avec beaucoup d’affection de vous. Il a été heureux à V. ; il dit seulement, sans insister là-dessus, que vous avez un “crotchet,” un dada sur la nouvelle Jérusalem, mais il est toujours réservé et peut-être aimerait-il mieux ne pas discuter. Je crois que, tout en rejetant certaines vues, et en étant quelquefois fatigué du travail de tête, on a trouvé de très bonnes choses, spirituellement aussi, dans vos numéros sur l’Apocalypse.
J’espère vous voir tous bientôt, s’il plaît à Dieu. Je pense partir d’ici dans dix jours, et je passerai probablement dix à quinze jours pour arriver à Genève, en passant, en route, quelques jours avec des frères, mais je ne veux pas retarder ma réponse. Saluez affectueusement tous nos chers frères.
Votre tout affectionné
Il ne faut pas prendre trop à l’avance des résolutions au sujet de votre marche après le second volume. Dieu sait ce qui vous conviendra. Je crois que plus d’occupation avec la grâce envers les âmes, et moins de travail de cabinet vous aurait mis plus en liberté, mais Dieu sait ce qu’il nous faut. Je dois vous dire que je n’ai aucune inquiétude au sujet de votre publication. Il est très probable que je ne suis pas d’accord avec vous sur tous les points, car c’est rare. Se tenir dans les limites de l’enseignement de Dieu, c’est ce que je cherche à faire, et, je l’espère, davantage tous les jours, mais je n’appelle pas du tout émettre des idées différentes, être agressif. Il y a des cas où il vaut mieux ne pas susciter, devant le monde ou devant les faibles dans la foi, des questions qu’ils ne peuvent pas résoudre.