Londres, 6 juin 1869
A M. B.
Bien-aimé frère,
Je suis réjoui des nouvelles que vous me donnez de l’Italie. J’espère pouvoir m’y rendre, mais Dieu seul sait si et quand cela se pourra. Je craignais beaucoup d’avoir peut-être à retourner en Amérique, toutefois je comptais sur Dieu, et il a mis sa bonne main là où l’ennemi avait cherché à mettre le désarroi, et l’avait mis pour un temps.
Je me propose de me rendre en France, mais j’ai aussi l’Allemagne en vue, où l’on se plaint un peu de mon absence prolongée. Pour le moment, je suis occupé de la nouvelle édition de mon Nouveau Testament. On m’a attendu dans ce but, et cela me retiendra pour le moment. D’autres peuvent faire les corrections de la presse, mais la vérification de toutes mes nouvelles notes et des petites corrections que j’ai dû faire, exigent mes soins. Il se peut bien que l’année prochaine, si Dieu conserve mes forces, je retourne encore au Canada et dans les Etats-Unis.
Il y a du bien dans les Antilles, et ils y ont été encouragés par notre visite. Je me remettrai à mon italien. F. m’écrit dans cette langue, et je n’ai aucune difficulté à comprendre ses lettres, mais parler est autre chose. Je bénis Dieu de tout mon cœur de ces réunions en Italie, que je connais de réputation par le moyen de L.F.
Quant à votre voyage, cher frère, souvent un frère qui a quelque chose est plus mal placé que celui qui n’a rien ; on suppose que peut-être il a assez, tandis qu’à l’autre il faut envoyer. J’ai connu de tels cas. Si ne m’en souviens bien, M. E. a envoyé quelque chose que vous lui avez retourné pour un motif que j’ai pu parfaitement apprécier. J’espère que cela n’aura pas lieu une seconde fois. Il y a des cas de discipline fort humiliants en Suisse, mieux vaut cela que le péché couvert, mais c’est triste, et cela doit humilier ceux qui n’y sont pas. Toutefois Dieu est toujours bon et fidèle et plein de patience envers nous, chose frappante quand on pense à sa sainteté. Il faut bien qu’il soit patient, puisque nous sommes une si pauvre expression de la vie de Jésus. Il y a deux principes de la vie chrétienne : celui des Philippiens et celui des Ephésiens, selon le point de vue auquel on envisage le chrétien. Il traverse le désert, regarde vers la gloire et la poursuit, ou plutôt veut gagner Christ. Il est assis dans les lieux célestes, et doit manifester le caractère de Dieu comme il le connaît. Soyez des imitateurs de Dieu comme ses chers enfants. Quelle position ! Cela exige pour le faire comme Paul l’a fait, qu’on porte toujours dans son corps la mort du Seigneur Jésus. C’est Christ, Dieu manifesté en chair, qui en est la parfaite expression. Le premier principe donne des motifs qui vous délivrent de ce qui est de ce monde et de la chair ; le second, la communion avec les sources de ces voies de Dieu dans lesquelles nous devons marcher, communion avec Dieu lui-même. Vraiment, quand on voit ce qu’on est au prix de nos privilèges, nous sommes bien petits, mais tout en se jugeant quand il le faut, on doit regarder à Jésus, non à soi-même.
J’espère que ma lettre trouvera votre femme parfaitement rétablie. Je vous écrirai un mot quand je me mettrai en mouvement.
Mes affectueuses salutations à tous les frères.
Votre bien affectionné.