Dublin, janvier 1878
A M. P.
Bien cher frère,
Mon voyage aux Antilles, et la surcharge de travail pendant mon court séjour à Londres, ont interrompu notre correspondance, et m’ont empêché de vous écrire. Vous serez surpris d’apprendre que ce n’est que maintenant que je viens de lire votre lettre. Comme elle était adressée à M. Mc A., je pensais que c’étaient des nouvelles de New-York dont j’avais eu déjà bien assez, et ce n’est que lorsque j’ai voulu la lui rendre, en quittant Londres, que l’erreur a été reconnue.
Pour le moment, je suis en Irlande, mais, dans quelques jours, je pars pour l’Allemagne, puis, Dieu aidant, pour la Suisse, la France, l’Italie, où l’œuvre s’étend et où quelques ouvriers sont suscités par Dieu.
J’espère voir un peu nos amis du midi de la France, mais ce sera un peu plus tard, et j’aimerais bien me recueillir un peu auparavant. Le Seigneur a été avec moi, et la Parole a toujours plus de clarté et de force pour mon âme ; pas de nouvelles vérités que je sache, mais ce qui était vague et entouré de nuages est devenu net et clair ; seulement j’aimerais un peu de tranquillité, et faire la connaissance de beaucoup de frères nouveaux, le nombre ayant beaucoup augmenté. Il y a 300 réunions maintenant, plus ou moins, en Angleterre ; plus de trente à Londres et dans les faubourgs, pour ne rien dire de l’Irlande et de l’Ecosse où le nombre en a beaucoup augmenté. Il est impossible de les suivre en détail, cela nous rejette davantage sur le Seigneur qui seul peut les garder (ce qui est toujours vrai), et cela au milieu de plus de pièges et d’erreurs que jamais. Quelle consolation que de savoir qu’il aime les siens, les nourrit, les chérit, et qu’il prend soin d’eux. C’est là ma consolation. Lui seul peut le faire, et il le fait avec un amour qui dépasse de beaucoup toutes nos pauvres pensées.
Mais le mal surgit de tous les côtés. Le papisme, les hérésies, l’incrédulités, toutes les vagues qui marquent la puissance de l’ennemi, montent et rugissent autour de nous, seulement le Seigneur est plus puissant que toutes. Les efforts de l’ennemi sont les impulsions du désespoir. Le silence du Seigneur est le calme du pouvoir. Au reste, il parle. Comme il l’a dit à Philadelphie : il a la clef de David. Il met devant les siens une porte ouverte que personne ne fermera, et on le voit, car l’évangile est prêché comme il ne l’a jamais été, et le témoignage de la vérité se répand. Mais tout se prépare pour la fin. Il me semble que le Seigneur permet l’incrédulité, comme contrepoids au papisme, car le protestantisme ne l’est plus du tout.
Au milieu de tous ces flots, je trouve une paix bien douce ; nous avons reçu un royaume qui n’est pas ébranlé. Jamais il n’y a eu autant de sérieux, ni de désir d’entendre la Parole. Le temps est court : sachons attendre le Seigneur, et le servir jusqu’à ce qu’il vienne.
Voyez la différence qu’il y a entre les épîtres aux Romains, aux Ephésiens, et aux Colossiens. Dans l’épître aux Romains, l’homme est envisagé comme vivant dans le péché, puis nous sommes morts au péché. C’est la délivrance du vieil homme, dans cette épître ; on n’est pas ressuscités avec Lui. – Dans les Ephésiens, nous sommes ressuscités avec lui et assis dans les lieux célestes en lui ; nous sommes envisagés comme morts dans nos péchés, et tout est la création de Dieu. – Dans les Colossiens, nous trouvons ces deux choses : “Morts avec lui,” de manière à être délivrés, “ressuscités avec lui,” mais non pas assis dans les lieux célestes. Ici, l’homme doit vivre en homme ressuscité sur la terre, ayant ses affections aux choses qui sont en haut où Christ se trouve. L’héritage est en haut. Dans les Ephésiens, l’héritage est tout ce que Christ a créé. Ainsi, nous avons trois aspects différents de la vie chrétienne, avec des connaissances bien instructives pour la marche. Au commencement de la seconde aux Corinthiens, nous trouvons la réalisation de l’épître aux Romains : “Portant toujours partout dans notre corps la mort du Seigneur Jésus, afin que la vie de Jésus soit manifestée dans notre corps.” Ensuite Dieu nous y aide par les circonstances pas lesquelles il nous fait passer. Seulement, au chap.5, nous avons le principe de l’épître aux Ephésiens : si un est mort pour tous, tous étaient morts, aussi trouvons-nous là la nouvelle création. Si nous saisissons la portée de ces vérités, nous comprendrons beaucoup mieux quel est le vrai caractère du christianisme, sa portée aussi. Tout cela m’a fait beaucoup de bien. La Parole est adaptée à notre position et à nos circonstances ici-bas, mais elle vient d’en-haut, et elle nous introduit là-haut. Nous pouvons la prendre comme lumière divine pour ici-bas, ou bien nous pouvons la suivre en remontant à la source. Il en est ainsi de Christ, la Parole vivante, parfaitement adaptée aux pauvres humains. Il révèle ce qui est dans le ciel. Or nos pensées et nos prières peuvent prendre le caractère de l’un ou de l’autre, mais toutes les affections spirituelles se développent, quand nous sommes avec lui en haut. Certainement Dieu pousse les frères à plus de dévouement et de spiritualité. On attend aussi le Seigneur plus réellement, je le crois.
Saluez les frères. Dieu sait si, à mon âge, je pourrai les revoir. Enfin je cherche, comme je l’ai cherché, leur bien devant Dieu, et il en est un qui ne les quitte pas. Qu’il les tienne dans sa grâce près de lui. Paix vous soit.
Votre toujours affectionné.