Londres, 2 mars 1878
A M. P.
Bien cher frère,
Je bénis Dieu de tout mon cœur, de ce que ceux auxquels vous aviez été en bénédiction sont restés fermes. C’est un vrai sujet de joie, spécialement dans ces temps-ci où il y a tant de semence qui tombe sur des sols pierreux, et, je le crains bien, où la semence même n’est guère bonne. C’est le temps où nous avons à être beaucoup avec Dieu pour qu’il soigne lui-même l’œuvre, et agisse dans les âmes afin que l’œuvre soit solide. Toutefois, c’est un temps de bénédiction. Le désir d’entendre la Parole est frappant ; aussi les conversions ne manquent pas. Les institutions ecclésiastiques s’ébranlent, et il y a malaise partout, mais l’œuvre de Dieu se fait, et ce malaise fait chercher Dieu et la vérité à plusieurs. L’ébranlement de tout, tourne aussi les cœurs davantage vers la venue du Sauveur, mais l’incrédulité porte le front haut. Cependant, j’ai un peu le sentiment qu’il y a une certaine réaction dans l’esprit des gens de bien, mais cette incrédulité ouverte envahit tous les pays.
J’ai examiné les prétentions de ses promoteurs, je les trouve fondées sur un marécage sans fond de doutes. Les deux points capitaux sont la négation de l’inspiration, et soit l’annihilation, soit une recrudescence de l’universalisme, l’annihilation étant le jeu de l’esprit de l’homme qui ne se soumet pas à la parole de Dieu. Cela se reproduit de manière à captiver les esprits légers et fainéants et les femmes, gens disposés à s’amuser et à se soustraire à l’autorité de la parole de Dieu, ou bien à paraître aimables envers ceux qui s’opposent formellement. L’universalisme est au fond la question de l’estimation que nous faisons du péché, et par conséquent de la rédemption et de ce qu’il a coûté au Seigneur d’en faire l’abolition par le sacrifice de lui-même ; de cette manière, le christianisme tout entier s’en va, la responsabilité dans son vrai caractère, la repentance, l’expiation. Une bête, toute intelligente qu’elle soit, n’a pas besoin d’expiation, n’a pas une nature qui haïsse le Seigneur. L’universalisme, comme l’annihilation, détruit également le christianisme et la conviction du mal du péché dans l’âme. La chose importante pour nous, cher frère, c’est que nous soyons plus avec le Seigneur qu’avec l’œuvre ; alors l’œuvre part de lui dans l’âme et elle est pour lui. Ne soyons pas effrayés par le progrès du mal, Lui est au-dessus de tout, il l’a été dans son humiliation ; il l’est maintenant qu’il est glorifié ; seulement il exerce nos âmes par les difficultés que nous avons à traverser. Je tiens beaucoup à voir les âmes exercées devant le Seigneur. Il se peut qu’on ne marche pas mal, mais l’âme n’est pas exercée devant lui, il y a quelque chose de superficiel ; on est toujours en danger, on n’est pas à même de résister aux tentations qui peuvent surgir, on connaît peu le Sauveur ; on dépend peu d’une manière pratique de lui. Je dis toujours : il y a trois hommes en moi ; Christ au fond, autrement je ne suis pas chrétien, puis une marche extérieure où il n’y a rien à me reprocher ; mais entre les deux choses, qu’est-ce qui m’occupe toute la journée intérieurement, c’est-à-dire là où sont mes motifs, mes pensées ? Est-ce que mon cœur est un chemin battu, foulé par tous les allants et venants, voire même par les folies de mon propre cœur ? C’est là qu’on trouve l’état réel du chrétien. Oh ! que nous soyons occupés de Christ ! Qu’il demeure dans nos cœurs par la foi, et que, dans nos entretiens avec les autres, cela coule de source. Ainsi aussi nous sommes fondés et enracinés dans l’amour. On est heureux soi-même, il y a communion les uns avec les autres ; une assemblée même s’en ressent, on y trouve la patience, le support ; le cœur en toutes choses s’en réfère à Christ ; on pense en amour les uns aux autres, puis on s’exhorte les uns les autres à l’amour et aux bonnes œuvres.
Souvenez-vous, cher frère, qu’il y a une œuvre de connaissance de soi-même absolument nécessaire pour le repos de l’âme ; une œuvre où il ne s’agit pas de la rédemption, bien que les choses s’entremêlent souvent dans l’expérience ; mais, en supposant que la rédemption soit connue, toujours faut-il qu’on se connaisse soi-même, et tout en montrant, comme dans le cas du brigand, que le sang de Christ nous a rendus propres pour l’héritage des saints dans la lumière, en général Dieu nous fait passer par le désert pour nous humilier, nous éprouver, nous faire savoir ce qu’il y a dans nos cœurs. Si la rédemption n’est pas clairement réalisée, ce travail se mêle avec la pensée de l’acceptation ; si elle est réalisée, c’est un sondage pénible du cœur, afin que tout soit tiré au clair. Si l’on est toujours manifesté à Dieu, comme on le sera devant le tribunal de Christ, alors l’atmosphère de l’âme est claire, et l’air serein, sans nuage. Sa faveur est meilleure que la vie. Il se peut que Dieu nous châtie le long du chemin si, lorsque nous manquons, nous ne nous sommes pas jugés nous-mêmes. Quelquefois on voit une âme profondément travaillée au lit de mort, quand Satan s’approche pour la tourmenter, en lui faisant repasser toute une vie, dont les motifs n’ont pas été jugés, mais il s’agit ici des voies de Dieu, non de son propos arrêté. (Voyez Ex.3, 6, 15). Ce dernier comprend la rédemption et la gloire comme Christ et avec Christ, selon sa grâce souveraine, à la fin du désert. Il n’a pas vu d’iniquité en Jacob, ni de perversité en Israël. Mais Moïse n’a rien vu d’autre. Il s’agit de se juger, d’être constamment manifesté à Dieu, de marcher dans sa présence, d’en avoir la conscience, ce qui tient notre conscience en éveil.
…Saluez les frères affectueusement de ma part.
Votre affectionné en Jésus.
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