A M. B. R.
Bien-aimé frère,
Votre lettre du 8 mars m’est enfin parvenue. Au sujet de Hébr.3 v.1, je vous comprends parfaitement, du moins je le pense. Il y a du vrai dans ce que vous dites, mais je doute que vous ayez pris en considération tous les points de vue que la Parole nous fournit à ce sujet. (L’affirmation était que : Héb.3 v.1, comme toute l’épître, n’était pas adressé uniquement à ceux des Hébreux qui avaient la foi en Christ, mais à l’ensemble du peuple qui se trouvait alors en Judée)
Premièrement, il me semble qu’il y a des expressions dans le chapitre même qui font voir que l’apôtre pensait à des personnes ayant, au moins quant à leur profession, accepté Jésus comme Seigneur, le reconnaissant comme Messie et mettant leur confiance en lui. Je dis cela parce que l’apôtre parle du “commencement de leur confiance” et de ce qu’ils devaient “garder jusqu’à la fin” et de ce que nous sommes sa maison, si du moins nous retenons ferme jusqu’au bout le commencement de notre confiance et la joie de l’espérance.
Quant il fait la comparaison avec Israël, c’est avec Israël racheté et qui est entré dans le désert. Voyez aussi 6 v.9-10 ; 4 v.14 ; 10 v.22 et suivants ; puis v.34 ; 13 v.8-9, et beaucoup d’autres passages qui impliquent que la position de ceux auxquels il s’adresse était celle de chrétiens.
Maintenant voici, à ce qu’il me paraît, les points importants de l’épître, qui lui sont propres, et dont il faut tenir compte. Christ est mort pour la nation, pour sanctifier le peuple par son propre sang. Ainsi, tous ceux qui reconnaissaient Jésus pour Messie étaient censés être sanctifiés et censés, en même temps, faire encore partie du peuple. D’autre part, écrite peu avant la destruction de Jérusalem et la cessation de tout rapport entre Dieu et le peuple, l’épître invite les Juifs à sortir hors du camp (non pas du monde, mais du camp d’Israël) et à reconnaître le Christ comme rejeté par Israël et monté dans le ciel en dehors du peuple. Mais le fait qu’il les invite ainsi à sortir hors du camp, n’est-il pas une preuve qu’il s’occupe du résidu, distingué d’avec la masse, quoique ce résidu eût été jusqu’alors en relation avec la masse incrédule et en faisant partie ?
Il me semble que l’épître aux Hébreux est au fond un développement du caractère céleste du christianisme (pas de l’Eglise, qui ne se trouve proprement qu’au chap.12), pour empêcher, d’un côté, les Juifs croyants de glisser de nouveau dans l’ancienne ornière, et d’un autre, pour préparer le chemin à cette exhortation, si terrible pour un Juif et qui ne se trouve que tout à la fin, savoir de quitter le système et le camp judaïques. Cette exhortation est fondée sur le fait que Christ (selon le type du sacrifice parfait pour le péché) avait souffert hors du camp pour ce qui regarde ce monde et que son sang avait été porté dans le sanctuaire ; qu’il fallait être dans le ciel, quant à sa vraie position devant Dieu, et en dehors du système terrestre ici-bas.
Mais le fait que l’Eglise n’entre pas en ligne de compte, sauf là où toute la scène de gloire millénaire est présentée, donne lieu à une autre particularité de cette épître : c’est que, dans les espérances qu’elle nous présente et dans la perspective de repos et de gloire qu’elle nous ouvre, tout en se servant d’expressions applicables au bonheur céleste, elle ne dépasse pas ce qui peut s’appliquer au repos terrestre ; elle laisse place à cette application de ses expressions : “Il reste un repos pour le peuple de Dieu”. Où ? Ceci rentre en partie dans votre manière de voir. Mais alors, en supposant que, dans le temps à venir, un Israélite se serve de cette épître en vue du repos du peuple de Dieu – Israélite encore attaché à sa nation après l’enlèvement de l’Eglise – il faudra qu’il comprenne que ce n’était qu’un résidu ; qu’il y avait eu une espérance céleste à laquelle il n’avait pas sa part ; que, pour en jouir définitivement, on avait dû sortir hors du camp d’Israël, ce que lui n’avait pas fait. C’est-à-dire qu’il devra avoir conscience que, bien que Dieu ait réservé, pour le résidu de son peuple (et ainsi pour son peuple, Rom.9 v.7, 27 ; 11 v.26) un repos sur la terre, il y avait eu un autre repos dans lequel étaient entrés ceux qui étaient sortis hors du camp, ce que lui n’avait pas fait. Or, tout en laissant entrevoir un repos terrestre pour le peuple, le but de l’épître est d’engager les Juifs croyants comme participants à l’appel céleste, à ne pas s’attacher à ce repos terrestre, mais à regarder plus haut, c’est-à-dire à Jésus entré comme précurseur au-dedans du voile. Le résidu étant encore en relation avec le peuple, il en faisait partie, position toujours dangereuse ; plus que dangereuse, au moment où l’épître a été écrite. Elle reconnaît le fait, ce qui appartient au peuple, mais s’adresse à la partie croyante, pour qu’elle ne fît plus partie du peuple, mais s’attachât à sa propre part. L’espérance qui pénètre au-dedans du voile où Jésus est entré. La condamnation des Juifs (comp.Actes 7, où il n’est pas encore assis), et le droit d’entrer dans le sanctuaire céleste était assuré au pécheur comme son partage présent et éternel.
Il n’en est pas moins vrai que cette position de Jésus est le fondement de toute espérance pour le Juif au dernier jour, et cette espérance, l’apôtre la laisse subsister ; mais c’est l’espérance du résidu, et ce résidu, actuellement dans le giron de la nation, il l’invite à sortir de son sein, en vertu de sa vocation céleste fondée sur le fait que Jésus est assis au-dedans du ciel. Les raisonnements sur les sacrifices confirment, me semble-t-il, ces vues : Christ était mort pour la nation, et ainsi chacun de ceux qui le reconnaissaient était censé avoir part aux privilèges chrétiens sans quitter la nation ; mais, dans cette épître, tout en se plaçant sur ce terrain, l’apôtre s’adresse, me semble-t-il, à ceux qui l’avaient reconnu, pour les inviter à se séparer de la nation, en montrant soit pour les sacrifices, soit pour la sacrificature, la supériorité d’un autre système qui devait remplacer l’ancien. Je ne dis pas que le remplacement du système soit la mise de côté de la nation, car Christ est mort pour la nation, mais que, de fait (le grand sujet étant le remplacement du système), le principe du nouveau système était un Christ couronné de gloire et d’honneur dans le ciel et que ceux-là seuls qui s’étaient attachés à lui par la foi, se trouvent compris dans la catégorie à laquelle l’apôtre parle. Comparez particulièrement le chap. 6 déjà cité. Cela exige une attention patiente au contenu de l’épître, non pour profiter des riches matériaux qu’elle renferme, mais pour faire sa juste part à l’œuvre pour la nation, la distinguant en même temps de la relation formée par la foi. L’œuvre et la position sont valables pour le résidu aux derniers jours, pour qu’il jouisse des bénédictions terrestres ; mais l’apôtre s’adresse à ceux qui participeraient aux dons par la foi. Je ne sais si je me fais comprendre ; j’ai écrit ce billet à plusieurs reprises.
Sauf une partie de l’Apocalypse, laissées inachevée l’année passée, notre traduction sera, Dieu aidant, terminée demain, mais nous la relirons.