J N Darby – Lettre No. 160

JohnNelsonDarby                        Pau, 5 avril 1857

A M. B. R.

Bien-aimé frère,

Votre lettre du 8 mars m’est enfin parvenue. Au sujet de Hébr.3 v.1, je vous comprends parfaitement, du moins je le pense. Il y a du vrai dans ce que vous dites, mais je doute que vous ayez pris en considération tous les points de vue que la Parole nous fournit à ce sujet. (L’affirmation était que : Héb.3 v.1, comme toute l’épître, n’était pas adressé uniquement à ceux des Hébreux qui avaient la foi en Christ, mais à l’ensemble du peuple qui se trouvait alors en Judée)

Premièrement, il me semble qu’il y a des expressions dans le chapitre même qui font voir que l’apôtre pensait à des personnes ayant, au moins quant à leur profession, accepté Jésus comme Seigneur, le reconnaissant comme Messie et mettant leur confiance en lui. Je dis cela parce que l’apôtre parle du “commencement de leur confiance” et de ce qu’ils devaient “garder jusqu’à la fin” et de ce que nous sommes sa maison, si du moins nous retenons ferme jusqu’au bout le commencement de notre confiance et la joie de l’espérance.

Quant il fait la comparaison avec Israël, c’est avec Israël racheté et qui est entré dans le désert. Voyez aussi 6 v.9-10 ; 4 v.14 ; 10 v.22 et suivants ; puis v.34 ; 13 v.8-9, et beaucoup d’autres passages qui impliquent que la position de ceux auxquels il s’adresse était celle de chrétiens.

Maintenant voici, à ce qu’il me paraît, les points importants de l’épître, qui lui sont propres, et dont il faut tenir compte. Christ est mort pour la nation, pour sanctifier le peuple par son propre sang. Ainsi, tous ceux qui reconnaissaient Jésus pour Messie étaient censés être sanctifiés et censés, en même temps, faire encore partie du peuple. D’autre part, écrite peu avant la destruction de Jérusalem et la cessation de tout rapport entre Dieu et le peuple, l’épître invite les Juifs à sortir hors du camp (non pas du monde, mais du camp d’Israël) et à reconnaître le Christ comme rejeté par Israël et monté dans le ciel en dehors du peuple. Mais le fait qu’il les invite ainsi à sortir hors du camp, n’est-il pas une preuve qu’il s’occupe du résidu, distingué d’avec la masse, quoique ce résidu eût été jusqu’alors en relation avec la masse incrédule et en faisant partie ?

Il me semble que l’épître aux Hébreux est au fond un développement du caractère céleste du christianisme (pas de l’Eglise, qui ne se trouve proprement qu’au chap.12), pour empêcher, d’un côté, les Juifs croyants de glisser de nouveau dans l’ancienne ornière, et d’un autre, pour préparer le chemin à cette exhortation, si terrible pour un Juif et qui ne se trouve que tout à la fin, savoir de quitter le système et le camp judaïques. Cette exhortation est fondée sur le fait que Christ (selon le type du sacrifice parfait pour le péché) avait souffert hors du camp pour ce qui regarde ce monde et que son sang avait été porté dans le sanctuaire ; qu’il fallait être dans le ciel, quant à sa vraie position devant Dieu, et en dehors du système terrestre ici-bas.

Mais le fait que l’Eglise n’entre pas en ligne de compte, sauf là où toute la scène de gloire millénaire est présentée, donne lieu à une autre particularité de cette épître : c’est que, dans les espérances qu’elle nous présente et dans la perspective de repos et de gloire qu’elle nous ouvre, tout en se servant d’expressions applicables au bonheur céleste, elle ne dépasse pas ce qui peut s’appliquer au repos terrestre ; elle laisse place à cette application de ses expressions : “Il reste un repos pour le peuple de Dieu”. Où ? Ceci rentre en partie dans votre manière de voir. Mais alors, en supposant que, dans le temps à venir, un Israélite se serve de cette épître en vue du repos du peuple de Dieu – Israélite encore attaché à sa nation après l’enlèvement de l’Eglise – il faudra qu’il comprenne que ce n’était qu’un résidu ; qu’il y avait eu une espérance céleste à laquelle il n’avait pas sa part ; que, pour en jouir définitivement, on avait dû sortir hors du camp d’Israël, ce que lui n’avait pas fait. C’est-à-dire qu’il devra avoir conscience que, bien que Dieu ait réservé, pour le résidu de son peuple (et ainsi pour son peuple, Rom.9 v.7, 27 ; 11 v.26) un repos sur la terre, il y avait eu un autre repos dans lequel étaient entrés ceux qui étaient sortis hors du camp, ce que lui n’avait pas fait. Or, tout en laissant entrevoir un repos terrestre pour le peuple, le but de l’épître est d’engager les Juifs croyants comme participants à l’appel céleste, à ne pas s’attacher à ce repos terrestre, mais à regarder plus haut, c’est-à-dire à Jésus entré comme précurseur au-dedans du voile. Le résidu étant encore en relation avec le peuple, il en faisait partie, position toujours dangereuse ; plus que dangereuse, au moment où l’épître a été écrite. Elle reconnaît le fait, ce qui appartient au peuple, mais s’adresse à la partie croyante, pour qu’elle ne fît plus partie du peuple, mais s’attachât à sa propre part. L’espérance qui pénètre au-dedans du voile où Jésus est entré. La condamnation des Juifs (comp.Actes 7, où il n’est pas encore assis), et le droit d’entrer dans le sanctuaire céleste était assuré au pécheur comme son partage présent et éternel.

Il n’en est pas moins vrai que cette position de Jésus est le fondement de toute espérance pour le Juif au dernier jour, et cette espérance, l’apôtre la laisse subsister ; mais c’est l’espérance du résidu, et ce résidu, actuellement dans le giron de la nation, il l’invite à sortir de son sein, en vertu de sa vocation céleste fondée sur le fait que Jésus est assis au-dedans du ciel. Les raisonnements sur les sacrifices confirment, me semble-t-il, ces vues : Christ était mort pour la nation, et ainsi chacun de ceux qui le reconnaissaient était censé avoir part aux privilèges chrétiens sans quitter la nation ; mais, dans cette épître, tout en se plaçant sur ce terrain, l’apôtre s’adresse, me semble-t-il, à ceux qui l’avaient reconnu, pour les inviter à se séparer de la nation, en montrant soit pour les sacrifices, soit pour la sacrificature, la supériorité d’un autre système qui devait remplacer l’ancien. Je ne dis pas que le remplacement du système soit la mise de côté de la nation, car Christ est mort pour la nation, mais que, de fait (le grand sujet étant le remplacement du système), le principe du nouveau système était un Christ couronné de gloire et d’honneur dans le ciel et que ceux-là seuls qui s’étaient attachés à lui par la foi, se trouvent compris dans la catégorie à laquelle l’apôtre parle. Comparez particulièrement le chap. 6 déjà cité. Cela exige une attention patiente au contenu de l’épître, non pour profiter des riches matériaux qu’elle renferme, mais pour faire sa juste part à l’œuvre pour la nation, la distinguant en même temps de la relation formée par la foi. L’œuvre et la position sont valables pour le résidu aux derniers jours, pour qu’il jouisse des bénédictions terrestres ; mais l’apôtre s’adresse à ceux qui participeraient aux dons par la foi. Je ne sais si je me fais comprendre ; j’ai écrit ce billet à plusieurs reprises.

Sauf une partie de l’Apocalypse, laissées inachevée l’année passée, notre traduction sera, Dieu aidant, terminée demain, mais nous la relirons.

J N Darby – Lettre No. 159

Date inconnue

A M. B. R.

Bien cher frère,

En réponse à votre question au sujet de 2 Cor.5 v.19, je crois que le bien-aimé Sauveur était “réconciliant,” agissant dans ce but pendant sa vie. Il a été rejeté. Dieu savait que la rédemption par son sang était nécessaire pour réconcilier. De sorte qu’en résultat il a été fait péché pour qu’il pût commettre le ministère de la réconciliation aux apôtres. Et lorsqu’il est dit : “Dieu était en Christ, réconciliant” il ne s’agit pas de la base nécessaire pour que la chose s’effectuât (c’est ce qui est dit tout de suite après), mais des voies de Dieu à l’égard des hommes, par Christ, pendant sa vie. Si Christ avait été reçu sans la mort et une nouvelle création, le résultat aurait démontré que le mal était réparable. Maintenant nous savons qu’il en est tout autrement. Mais Dieu présentait la chose à la responsabilité de l’homme, avant de manifester cette impossibilité. Ceux qu’il appelait, il les appelait selon la connaissance qu’il avait lui-même de ce qu’il allait faire. “J’ai encore mon Fils ; ils auront du respect pour mon Fils” – voilà ce qui est présenté à l’homme. L’objet de la foi est la personne de Christ. En y croyant, on jouit de l’efficace de sa mort, dans l’ignorance pendant sa vie, plus tard avec intelligence.

Il y a un pardon gouvernemental qui ne pouvait avoir lieu qu’en vertu de l’expiation, c’est vrai, mais qui cependant est autre chose. Au reste, le pardon était accordé en détail, en vue de l’offrande de Christ. Christ l’accordait pleinement pendant sa vie ici-bas, en vue des voies de Dieu en grâce. L’effet se montrait, le cas échéant, par une guérison comme preuve. Mais la grâce, en tout temps, a son application en vue de l’œuvre de Christ. (Voyez Rom.3 v.25, 26).

Votre affectionné.

J N Darby – Lettre No. 158

Hereford, 30 décembre 1853

A M. B. R.

Bien-aimé frère,

…Je crois que la Bête foulera aux pieds d’autres pays que ceux qui forment son corps. Je ne crois pas que l’Irlande fasse partie du corps de la Bête. L’aveuglement positif qui pèsera et pèse sur l’Angleterre lui sera épargné, mais elle sera sans doute sous le jugement qui viendra sur ceux qui vivent dans l’insouciance dans “les îles.” Je crois que Dieu s’en servira comme témoignage, que c’est la propre faute de l’Angleterre qu’elle soit aveuglée, et que l’Irlande sera jusqu’à un certain point un oasis, bien que le joug de l’Angleterre, qui favorise gouvernementalement le papisme, pèse sur elle. Elle sera un refuge, mais j’aime mieux me fier à Dieu, où que ce soit, qu’à l’Irlande ou aux Etats-Unis. Rien ne sera assez décidé, ni assez puissant, pour faire contrepoids à “la femme sur la Bête,” car la Russie est en dehors et a son chemin à elle. Dieu suffira infailliblement à tous ceux qui se confient en lui. Il fait contribuer toutes choses au bien de ceux qui l’aiment.

A l’égard de C. et de H. à Lausanne, c’est triste, sans doute ; et je crois que G. a de fait gêné les frères par sa manière d’agir. Les femmes se sont aperçues de cet esprit chez G. et le lui font sentir. Elles ont raison et tort à la foi. C. a, je l’admets, quelque chose à dire, et son silence tend à rétrécir les limites du bien qui se ferait à Lausanne. D’un autre côté, quant à ceux qui ont été exclus, je vous assure qu’on n’en a pas beaucoup de regret, sauf pour eux-mêmes. Ils sont membres de Christ, et Dieu me garde du péché de les mépriser, mais le mélange de spiritualité dans les formes, joint à l’effort de plaire au monde et à la conformité au monde, serait la ruine des frères et du témoignage. Il est bon que ce cher G. ait eu cette humiliation, car il est très entier et aime que les autres aillent comme il l’entend, mais à la longue, s’il apprenait ce que Dieu lui enseigne, Dieu le ferait sortir et les frères avec lui d’une condition où ils sont à l’étroit, pour les introduire dans un champ large de bénédiction. Le cher C., s’il avait eu un peu plus de foi, aurait pu être très utile. De fait, à Lausanne, personne n’a confiance en lui. Les cœurs qu’il gagne par son amabilité, ne lui font que du mal. J’ai fait auprès de lui ce que j’ai pu, mais il le prenait d’un peu haut. S’il y avait toujours là quelqu’un qui exerçât un ministère indépendant, de sorte que ce ne fût pas toujours G. seul qui agît, la difficulté disparaîtrait, mais c’est Dieu seul qui peut envoyer cela. En attendant, les frères ont la conscience de leur intégrité, et la chair de G. n’est pas pleinement mortifiée, et par son caractère et sa décision, c’est lui qui mène plus ou moins. C. qui ne jouit pas de la confiance des frères, a le sentiment de ses torts, et en a eu dans le sens qu’il a été froissé sans qu’on l’ait voulu. Le désir de servir le Seigneur avec intégrité se trouve chez les frères, mais ils l’ont sans que la chair, qui fait toujours du mal, soit assez mortifiée pour qu’elle ne devienne pas une pierre d’achoppement. J’espère qu’ils présenteront assez leur cas à Dieu pour que, après les avoir exercés et humiliés, il puisse les bénir malgré leur chair. Voilà où j’en étais quand j’ai quitté Lausanne. G. n’était pas tout à fait content ; j’ai remis la chose à Dieu. Il s’agissait de l’état de tous, non pas d’une décision à prendre, d’autant plus que je ne pouvais plus y rester. Les femmes pensent que je ne juge pas les choses à fond ; elles se trompent, mais je n’ai pas mes sentiments engagés comme elles ; seulement je puis remettre les choses à Dieu, parce que je crois qu’au fond les frères cherchent la gloire de Dieu avec intégrité. Je supporte les mécontents plus que les frères n’aimeraient, peut-être, car en admettant les griefs des frères à leur égard, et il y en a beaucoup, je crois que leur chair a en partie donné occasion à ce mécontentement, et on ne peut jamais justifier la chair. Mais j’ai confiance en Dieu.

Quant au frère H., mes rapports avec lui sont bons, et j’en reste là. Je ne crois pas qu’il ait assez de foi pour être en témoignage sous certains rapports. Les anciens dissidents ont leur caractère à eux. Dans le chemin de la foi, ils ont été reconnus, comme Dieu le fait toujours. Le monde les a trompés.

Je suis incapable de marcher, m’étant foulé le pied droit, mais Dieu, dans sa grande bonté, m’a donné de profiter beaucoup de mon temps avec la Parole.

Votre bien affectionné.

J N Darby – Lettre No. 157

Montpellier, 15 avril 1850

A M. B. R.

Bien cher frère,

Voici ce qu’il me semble, quant à votre second volume. Je pense que plusieurs, ayant le commencement, aimeraient avoir la suite. Lorsque vous l’aurez imprimé, vous pourrez signifier aux souscripteurs que vous ne le mettez pas en vente publique, à cause de la difficulté sentie par plusieurs frères, mais que le volume sera expédié à ceux qui le demanderont. Je ne vois pas pourquoi vous ne le vendriez pas à d’autres qui le chercheraient, sans toutefois le mettre en vente de commerce. Si les souscriptions ne sont pas encore payées, la chose en restera là ; si elles ont déjà été reçues, vous trouvez, sans doute, un moyen de les rendre. Je dis cela comme déférence volontaire aux frères, chose qui ne fait jamais de mal quand la conscience n’est pas engagée. Si elle l’est, c’est une toute autre affaire. Pour ma part, je ne crains pas les divergences sur des questions d’intelligence. Quelquefois ces divergences tiennent à des principes ; alors, de nouveau, c’est une tout autre affaire. Il y a bien des frères avec lesquels je ne suis pas d’accord sur divers points, et avec lesquels, cependant, je suis beaucoup plus lié qu’avec des personnes qui acceptent tout ce que je dis. Au reste, l’amour ne dépend pas de cela, quoique l’unité de sentiment soit un but désirable.

Je crois que Dieu, dans sa grâce, agit en bien dans son Eglise et spécialement au milieu des frères. Ici, il y a vraiment beaucoup de bien, partout des conversions, nombreuses même pour nos temps ; les frères encouragés, ranimés et renouvelés pour ainsi dire, et cela avec, en même temps, un besoin plus senti de réaliser sa présence, comme une réalité au milieu des siens. Lorsque Dieu est là, les difficultés et même les misères s’évanouissent. Il y a aussi quelques nouveaux ouvriers qui sont bénis, et cela est un grand sujet de joie. On voit l’action de Dieu. Il y a également d’assez vastes champs ouverts, sans qu’il y ait des ouvriers pour les visiter. Ici, à Montpellier, où tout était assez mort, le Saint-Esprit agit dans plusieurs âmes. J’ai été au Vigan, où le Seigneur a donné sa bénédiction. On doit reconnaître la bonne main de Dieu et chercher à conserver, autant que possible, cette grâce qu’il nous accorde.

J’ai une lettre de M.F., où il parle avec beaucoup d’affection de vous. Il a été heureux à V. ; il dit seulement, sans insister là-dessus, que vous avez un “crotchet,” un dada sur la nouvelle Jérusalem, mais il est toujours réservé et peut-être aimerait-il mieux ne pas discuter. Je crois que, tout en rejetant certaines vues, et en étant quelquefois fatigué du travail de tête, on a trouvé de très bonnes choses, spirituellement aussi, dans vos numéros sur l’Apocalypse.

J’espère vous voir tous bientôt, s’il plaît à Dieu. Je pense partir d’ici dans dix jours, et je passerai probablement dix à quinze jours pour arriver à Genève, en passant, en route, quelques jours avec des frères, mais je ne veux pas retarder ma réponse. Saluez affectueusement tous nos chers frères.

Votre tout affectionné

Il ne faut pas prendre trop à l’avance des résolutions au sujet de votre marche après le second volume. Dieu sait ce qui vous conviendra. Je crois que plus d’occupation avec la grâce envers les âmes, et moins de travail de cabinet vous aurait mis plus en liberté, mais Dieu sait ce qu’il nous faut. Je dois vous dire que je n’ai aucune inquiétude au sujet de votre publication. Il est très probable que je ne suis pas d’accord avec vous sur tous les points, car c’est rare. Se tenir dans les limites de l’enseignement de Dieu, c’est ce que je cherche à faire, et, je l’espère, davantage tous les jours, mais je n’appelle pas du tout émettre des idées différentes, être agressif. Il y a des cas où il vaut mieux ne pas susciter, devant le monde ou devant les faibles dans la foi, des questions qu’ils ne peuvent pas résoudre.

J N Darby – Lettre No. 156

Montpellier, 15 janvier 1850

A M. B. R.

Bien cher frère.

Je vous remercie beaucoup de votre petite lettre et de l’affection dont elle était le témoignage, affection qui m’est bien précieuse. Je suis mieux, mais le principe de mon mal est toujours là. Dieu sait si cela se dissipera, ou si je le porterai jusqu’à la fin, avec ce pauvre corps de péché qui l’engendre. Quoiqu’il en soit, je suis heureux et me repose avec une douceur indicible sur l’œuvre de Celui qui m’a aimé et qui m’aime d’un amour parfait et éternel.

Quant à notre cher Sp., je crois qu’il est un peu mystique, ou plutôt que le genre allemand va à la tendance de son caractère personnel qui penche à regarder toujours au-dedans, à s’occuper de l’effet de la grâce, c’est-à-dire de soi, au lieu de l’objet de la foi et de la source de la grâce : de Dieu lui-même et du Sauveur qui nous a aimés. C’est un mal invétéré du cœur, parce qu’on en fait une fidélité, et, au fond, on aime à être occupé de soi, si l’on peut appeler cette occupation la piété. Satan s’en moque bien, et ceux qui en sont là, jugent les autres comme étant antinomiens et infidèles, comme prenant la chose à la légère, tandis que, de fait, ce sont eux-mêmes qui ont encore une trop bonne opinion d’eux-mêmes. En sommes, tel que je suis, je suis nécessairement perdu ; vu ce que Dieu dit, je devrais l’être ; je reconnais que son jugement est nécessaire. Cependant, tout en faisant abstraction du mysticisme, je crois (vous en serez étonné) que Sp. a raison, non pas dans sa manière de l’envisager, mais dans le fait. Il y a, je le crois, une connaissance de soi-même devant Dieu, outre la conscience des péchés. La pauvre Cananéenne savait sa misère et cherchait le remède auprès de Jésus, mais le Seigneur la place sur ce terrain terrible pour le cœur, d’être en présence de la bénédiction, sachant qu’elle est là, et privée du droit d’y participer. Elle n’était pas précisément coupable de telle ou telle chose, mais à cause de ce qu’elle était et de ce qu’était la bénédiction, elle ne pouvait pas y avoir part. L’amour de Dieu était la pleine réponse à cet état, et c’est ainsi seulement qu’on Le connaît dans sa propre pureté, dans sa gratuité, dans sa souveraine bonté, qu’on Le connaît tel qu’il est, pur et absolu, Dieu lui-même étant révélé dans cet amour, tel qu’il est. C’est pourquoi la foi de la pauvre femme est reconnue être grande, car elle voit ce que Dieu est, à travers la conscience de ce qu’elle est elle-même. Les mystiques considèrent cela comme un état d’âme et, par conséquent, sont à le chercher dans un véritable esprit de propre justice. La foi en jouit comme d’une révélation de Dieu. C’est ce qui m’a donné, tout faible moralement que je sois, une joie et un bonheur indicibles pendant ma maladie et avant. Ce n’était pas le pardon des péchés ; car je n’en doute pas, et je reconnais la grâce infinie qui les a pardonnés gratuitement, la pure grâce envers moi, indigne pécheur, et cela par le précieux Sauveur, mais je pouvais me reposer en Celui qui avait fait ces choses, sans y penser directement. Or, pour cela , il faut se reconnaître un petit chien, et non seulement reconnaître ses péchés ; et c’est ce qui rend la paix solide et permanente, parce qu’elle est en Dieu. Je crois que la plupart des chrétiens n’y sont pas. C’est ce qui fait (quoique ce ne soit pas la seule chose) que bien des chrétiens sincères ont un tel combat sur leur lit de mort. Ils n’ont pas été eux-mêmes devant Dieu. Ce n’est pas que la grâce n’ait pas agi, ce n’est pas qu’ils n’aient pas sincèrement reconnu leurs péchés, reconnu que le sang de Christ seul peut les laver ; mais ils n’ont pas vraiment été amenés à dire : “Misérable homme que je suis, qui me délivrera ?” dans les résultats, oui, et ils en sont restés là ; mais, quant au fait d’être avec la source – c’est-à-dire soi-même devant Dieu en jugement – non. Voyez Job. La grâce avait agi en lui ; aux yeux de Dieu lui-même, il n’avait pas son pareil sur la terre. Il n’avait jamais été réellement en la présence de Dieu, lui. Cela ne veut pas dire qu’un homme ne soit pas régénéré, ou qu’il ne soit pas justifié. On peut être tout cela et sentir la bonté de Dieu, mais, en rapport personnel avec Dieu, on n’a pas dit, se trouvant tel qu’on est devant lui : “Maintenant mon œil t’a vu”. Cette expérience peut se faire de diverses manières : 1° au commencement, quand on est sous la loi ; 2° après une longue vie chrétienne, avec de longues angoisses ou plus doucement. D’une manière ou de l’autre, elle se fait. Mais son véritable résultat n’est pas le mysticisme ; elle en est réellement la destruction, lorsqu’elle est complète. Le mystique se contemple ; et c’est son malheur. Il parle de lui-même, et un soi-même anéanti vaut beaucoup mieux pour le moi, qu’un Dieu qui nous fait nous oublier. Comment se rappeler, soi, en la présence de Dieu ? Dieu peut me faire sentir ce que je suis pour m’amener en sa présence, il peut me nommer un petit chien, et je le reconnais, mais la foi n’y voit rien d’autre que tout ce que Dieu est, même pour un tel être. Madame de Krüdener, dont notre cher ami Eynard a publié la vie, n’en était là que sur son lit de mort, et alors elle jugeait toute sa vie précédente. Mais c’est Dieu seul qui sait faire cette œuvre. Il faut, en confessant ses péchés, se rapporter en simplicité à sa grâce qui nous pardonne, et marcher sous son œil avec pleine confiance en lui. On ne peut pas se mettre dans cette lutte morale avec Dieu ; on ne le doit pas ; il est trop vrai que nous sommes de petits chiens, pour pouvoir le faire. Lorsque lui le fait, il sait soutenir l’âme, comme dans le cas de la Cananéenne, ou dans le cas de Jacob, quoique celui-ci s’arrêtât encore mystiquement à la bénédiction, comme cela arrive parfois pour un temps.

C’est un sujet sérieux et important, cher frère. Cependant tenons-nous-en toujours à la simplicité de la grâce de Dieu. Celui qui y a passé, tout en ayant, comme auparavant, ses combats avec lui-même et sa chair, est beaucoup plus dépouillé de lui-même, a plus de discernement de ce qui est de l’homme jugé en lui, et de Dieu ; la vie de dehors, quelque active qu’elle soit, prend moins d’importance, Dieu est plus le tout de tout. Extérieurement, ce chrétien peut être à peu près de même, au fond il ne l’est pas ; l’homme a pris sa vraie valeur à ses yeux. Il a plus de communion avec ses frères, mais en même temps il est plus isolé, c’est-à-dire plus avec Dieu. C’est ce que Christ était parfaitement, parce qu’il n’y avait rien à dépouiller en lui.

Paix vous soit, cher frère. Si vous avez encore quelques pensées là-dessus, écrivez-moi. Quant à la défection de notre frère E., je n’en suis pas étonné. Je ne peux pas dire non plus, sauf pour lui en charité, que cela me fasse de la peine. Il se connaît très peu, ou point. Dieu a permis qu’il fût en grande bénédiction, je le crois, à sa femme. Je la connais depuis de longues années, ainsi que sa famille.

J’ai une bonne lettre de notre cher N. à T., et je lui ai écrit. La joie de l’assemblée et la grâce que notre Seigneur lui fait sont ma joie, cher frère, et une grâce qu’il me fait à moi. Je suis avec eux en Esprit. Qu’Il les garde près de lui dans l’humilité et dans la joie de sa présence. Saluez beaucoup R., G., F. (j’ai reçu un billet de lui ; j’ai été trop malade pour y répondre), E. et tous les frères. D. M. est, je suppose, toujours à V. Saluez-le aussi affectueusement, ainsi que C., C. et tous les autres que je ne puis nommer nom par nom. J’ai toujours la pensée d’entreprendre mon voyage en Suisse, si Dieu me le permet. Il est possible que mon état de faiblesse le renvoie à une saison un peu plus douce pour traverser le Jura, mais pas pour longtemps, je le pense. Sauf quelques visites, je ne crois pas trouver ici le champ de mon travail. Nîmes m’appellera probablement plus tard. Mais auparavant je pense – Dieu seul le sait – aller en Suisse.

J N Darby – Lettre No. 155

Janvier 1848

A M. B. R.

Cher frère,

Je vous envoie votre écrit que j’avais, en effet, pris avec moi. Je craignais d’envoyer un aussi gros cahier par la poste. J’ajoute quelques lignes.

Le Keri veut dire :”lis.” Les Masorites n’osaient pas changer le texte, lors même qu’il y aurait eu une faute évidente, mais ils écrivaient en marge :”lis ainsi.” C’étaient donc des leçons ou variantes qui sont presque toujours meilleurs que le texte. De Wette a donné le Keri dans ses “Anmerkungen”. La traduction de Wette ne me satisfait pas. La “consomption déterminée” est une expression employée en Es. 10 v.23, 28 v.22, pour signaler les afflictions d’Israël, à ce qu’il me semble, dans les jours qui précèdent le règne du Messie, soit qu’elles fondent sur Israël ou sur Jérusalem. L’emploi de ces mots en Dan.9 v.27, est très remarquable. Ceci m’a conduit à d’autres remarques. Le dernier mot de 9 v.27, est, sauf dans ce passage, toujours traduit par “la désolée”. Il y a de bons dictionnaires qui ne donnent que ce sens. Une fois ailleurs, tout au plus une forme remarquable d’un infinitif verbal est employée dans un sens actif. “Désolée” n’est pas le même mot que “désolateur”, dans le même verset. Or en 11 v.31, c’est l’abomination du désolateur. 12 v.11, c’est le dernier mot de 9 v.27, c’est-à-dire peut-être de la désolée. Vous trouverez que l’examen des chap.10 et 28 d’Esaïe sur les deux points de l’indignation et de la consomption déterminée jettent un grand jour sur Daniel. L’Assyrien y est vu très clairement et le fléau débordant à cause de leur alliance avec le mal.

J’espère que le Seigneur ramènera notre cher frère C. à un état doux et aimant. J’espère qu’on agira avec un amour sincère et cordial à son égard. Les défauts dont vous parlez ne sont pas comme d’autres qui, peut-être, ennuient moins nos voisins, mais n’en sont pas moins mauvais aux yeux de notre Dieu.

Paix vous soit.

Votre affectionné frère.

J N Darby – Lettre No. 154

Montpellier, 20 décembre 1848

JohnNelsonDarbyA M. B. R.

Je fais quelques remarques à mesure qu’elle se présentent. Il y a d’autres interprétations qui, tout en n’étant pas les vôtres, ne rencontrent pas les difficultés que vous supposez.

En premier lieu, je ne doute pas que l’Assyrien, ou du moins une puissance qui n’est pas l’Antichrist, ne soit le désolateur. (Dan.9 v.27) Je pense que c’est le “roi du Nord” mais cela n’implique pas votre explication de ce verset, lors même que ce serait l’Antichrist qui confirme l’alliance. Mais il y a tout simplement : “A cause de la protection des abominations, un désolateur,” c’est-à-dire “il y aura un désolateur.” L’Antichrist les ayant entraînés dans l’idolâtrie, le désolateur sera lâché contre eux. (Comp. Es. 28 v.14-18)

En second lieu, je ne prétends rien affirmer sur la grammaire hébraïque, mais régulièrement 11 v.31, serait : “les armes ou les forces se tiendront debout, surgiront de lui, et elles profaneront… et elles ôteront, etc.” Je ne sache pas qu’il y ait un exemple où le verbe s’accorde régulièrement avec le masculin pluriel déjà exprimé, auquel on a substitué “on”.

Puis vous avez confondu l’idée de celui qui rétablit le sacrifice avec celui qui en est l’objet, ou plutôt auquel il est présenté, à la fonction duquel il se rattache.

Vous demandez qui ôte le sacrifice continuel. (Dan.8 v.11). Il faut regarder au Keri (Annotations données en marge du texte hébreu) qui donne : “lui fut ôté.” Le passage ne dit rien de plus. Il faut encore se souvenir qu’en Daniel, Israël est toujours considéré comme le peuple de Dieu, remarque fort importante pour l’intelligence du livre et qui va à la racine de quelques-uns de vos raisonnements. Dieu parle en grâce et Jérusalem est traitée comme la sainte cité de Daniel. Or il me semble qu’on ne peut guère ne pas voir le Prince des princes dans le Prince de l’armée. Souvenez-vous aussi que c’est entre les mains de la petite corne du chap.7, que les saisons et les ordonnances juives sont livrées. (7 v. 25). C’est celui-là qui les change et qui blasphème et s’élève. Quant à “jeter la vérité par terre” (8 v. 12) je pense bien que c’est la corne du chap.8, savoir non l’Antichrist, mais l’Assyrien ou le roi du Nord. Comme Chef de l’armée, Christ n’est pas vu comme accomplissant Héb.9-10, mais comme Chef des Juifs au dernier jour. Dans ce caractère, c’est à lui qu’appartiennent les sacrifices, comme, en tant que privilège, ils appartiennent aux Juifs. Beaucoup de Psaumes parlent de ces sacrifices de justice ; ce ne sont pas même des sacrifices pour le péché ; le “Thamid” était un holocauste ; sans cela les Juifs n’avaient pas d’autel, pas de rapport public avec Dieu. La remarque que j’ai faite quant à la manière d’envisager les Juifs en Daniel, met de côté votre interprétation de 8 v.10 ; quant à 8 v.11, j’en ai déjà parlé. Vous dites que le “prince qui viendra” (9 v.26) est le même que le désolateur (v.27) Pourquoi ? “Sur le faîte de l’abomination” (8 v.27) ne me présente aucune idée. L’abomination est une idole, une chose profane et souillée aux yeux de Dieu. Que signifierait le faîte d’une idole ?

Votre continuateur de Titus, un désolateur qui suit le prince qui viendra (9 v.26-27), n’est rien ; pour moi je ne crois pas qu’il y en ait un. L’Antichrist sera son continuateur dans un sens, comme étant chair, ou au moins corne principale de la Bête, tandis qu’effectivement c’est un autre, selon moi aussi bien que selon vous, qui agira comme Titus en attaquant la ville, quoique pas en la détruisant au même point. Titus “détruit” la ville (10 v.26), le roi du Nord ou l’Assyrien “la renverse” (8 v.11).

L’Antichrist n’est donc pas le désolateur. Là-dessus nous sommes d’accord. De l’autre côté, vous n’avez pas assez considéré qu’Israël est appelé (chap.8 v.24) le peuple des saints, et si Dieu ne peut pas l’appeler son peuple, il répond au cœur de Daniel, en reconnaissant sa foi prophétique, et l’appelle “ton peuple” (ainsi qu’il fit à Moïse). C’est-à-dire qu’il en prend connaissance par l’intervention d’un médiateur. Or les v.11-12, sont au point de vue de Daniel (parlant, il va sans dire, par l’Esprit prophétique).

Quant à votre “Résumé”, je l’accepte, moins les difficultés qui n’existent pas pour moi. Il me semble que ce n’est ni Jésus, ni l’Antichrist, qui rétabliront les sacrifices dans ce temps-là. Je pense que les Juifs eux-mêmes l’auront fait. Il est très possible que le roi du Nord ôte à l’Antichrist son faux culte (mais il prend Jérusalem). Mais pouvez-vous penser que “Thamid” soit appliqué à une chose pareille, ou que l’Esprit prophétique appelle ce qui entoure l’Antichrist, l’armée des lieux saints ?

Bien cher frère, je vous envoie ces quelques pensées sur votre manuscrit. Vous verrez que je suis d’accord avec l’idée principale, savoir qu’il y a l’Antichrist à Jérusalem et un ennemi qui vient du dehors, mais vous avez tiré de cet état de choses plusieurs conséquences qui ne me paraissent pas justifiées. Ce genre de conclusion vous fera trouver plutôt des difficultés que des lumières. Mon idiosyncrasie m’épargne au moins bien des mécomptes dans mes conclusions. Je vois, en général, toutes les difficultés et j’attends la solution de toutes. J’ai été frappé de la manière dont Dieu donne des conclusions positives, justes pour la conscience, lorsque toutes les prémisses sont fautives, là du moins où il y a de la droiture. On me fait visite et il faut que je termine. Je vous ai donné ci-dessus le fond de ce qui s’est présenté à ma pensée dans un moment de loisir. Je me réjouis d’avoir des nouvelles de votre voyage et de savoir si les choses sont allées selon vos désirs. Quant à l’assemblée de V., allez doucement, cher frère, et pensez à tous. La discipline a été mal faite, mais elle devait se faire. Oublions les personnes, si nous pouvons. J’ai trouvé notre cher frère C., peut-être le plus raide de tous, et bien que je l’aime et que je le connaisse depuis des années comme un frère sincère, je ne crois pas que son cœur soit complètement vidé devant le Seigneur. Il ne le sait pas ; nous ne le savons jamais, en cas pareil, parce que nous ne sommes pas pleinement devant lui. Les choses se présentent d’une tout autre manière, lorsque sa présence se manifeste pleinement et de manière à cacher les hommes. Toutefois je ne doute nullement de la sincérité de C., en sorte que je suis au large avec lui, mais je crois qu’il y a encore une œuvre à faire en lui pour le bien de son âme. Je regarde à Dieu, pour qu’il fasse cette œuvre et qu’il rétablisse en plein les rapports d’amour et de confiance qui seuls laissent briller sa présence dans tout son éclat au milieu des frères. Il serait dommage que des frères qui ont vraiment été en témoignage manquassent à leur première charité et à ce témoignage même, mais Dieu est fidèle.

Votre affectionné frère en notre bon Maître.

J N Darby – Lettre No. 153

Angleterre, 9 décembre 1846

A M. B. R.

Cher frère,

Voici enfin un cahier de plus. J’ai été en Irlande, en route, malade, toute sorte de choses. Ayant eu, par le retard de mon départ pour la France, quelques jours d’une tranquillité au moins comparative, j’en ai employé une partie à ce travail. J’hésitais un peu : 1° parce que ce sera probablement trop tard pour qu’on s’en serve ; 2° parce que j’ai dû le faire avec moins de soin et de suite, que la gravité de ce service ne l’exigeait. Toutefois, étant soumis à d’autres, je l’envoie ; on pourra peut-être encore corriger quelque chose sur les épreuves, si on le trouve bon, et comme la traduction, me semble-t-il, l’exige. Je n’avais pas même le peu de livres dont je puis, en général, disposer, mais enfin voici le travail tel qu’il est. Valeat quantum. – Que le Seigneur soit avec vous.

Votre tout affectionné.

J N Darby – Lettre No. 152

JohnNelsonDarby      Angleterre, 23 septembre 1846

A M. B. R.

Bien cher frère,

Je m’empresse de répondre à votre bonne lettre, d’autant plus que j’y vois un peu de découragement spirituel. Quant à la traduction, (Notes pour la Version dite de Lausanne) je l’avais poursuivie en toute simplicité, pour ajouter ce que je pouvais au bien commun, si les spécialités des épîtres n’avaient pas exigé des données plus positives à l’égard de la coopération. La réponse ne dit rien sur ce que j’ai demandé à cet égard. Je ferai, autant que je le pourrai, la volonté du Seigneur, là dessus. Ce qui avait donné lieu à ma question, c’était qu’il y a des difficultés particulières résultant de ce que le génie de la langue française ne répond pas à bien des abstractions grecques. Si l’on avait refusé d’aborder cette difficulté, en reconnaissant la portée de cette circonstance, j’aurais été un peu découragé dans cette tentative ; le travail aurait été inutile, parce que, pour l’idiome de la langue française, il est évident que je dois dépendre en quelque mesure d’autrui. Enfin je laisse la chose là, sans rien ajouter.

Quant aux dangers dont vous parlez, ils sont possibles, mais Celui qui a gardé son peuple avant les vendanges, le gardera après. Il ne change pas. L’ennemi peut rugir et grincer des dents, mais les cheveux de la tête de chacun des disciples sont comptés. Je crains tout autant le repos que la persécution pour les chers et précieux enfants de Dieu, quoique je bénisse Dieu lorsqu’il nous accorde ce repos. Seulement que nous sachions marcher dans la crainte de Dieu, et ce sera dans la consolation de son Esprit. Il est tout naturel que la relâche, après la tension de la persécution, amène un peu de relâchement spirituel et que l’ennemi cherche à en profiter, mais, en cherchant sa face, sa grâce nous suffira ; sa force s’accomplira dans notre faiblesse. C’est à chacun à se tenir près du Seigneur, non pas pour lui-même seulement, mais y étant par la grâce pour les autres. Un homme de foi déconcerte souvent (par la grâce) l’ennemi d’une manière étonnante. C’est ce que Dieu veut. Il intervient et il est reconnu. Tout caché qu’il soit, l’instrument ne perdra pas sa récompense. C’est l’œuvre cachée qui est la plus belle, la plus près de Dieu et de son cœur, la plus entièrement à lui, et il la reconnaîtra telle au jour où il manifestera ce qu’il aura donné et approuvé.

Pour les assemblées, cher frère, outre ce que je viens de dire, il faut se fier au Seigneur et chercher beaucoup à cultiver un véritable esprit d’amour, des affections fraternelles découlant de la charité qui ne tient compte de rien, pour que Dieu soit glorifié dans les siens. Quant à vos difficultés que vous ressentez a sujet de vos prières, c’est une chose sérieuse et pénible, j’en conviens, mais la grâce de Dieu ne vous fait pas défaut. Je ne doute pas, bien-aimé frère, que la chair n’en soit la cause, la négligence, la fausse confiance, le manque de petitesse et de pauvreté en esprit. Hélas ! je n’en sais que trop. Toutefois, il y a quelque chose à dire ici. Le Seigneur nous fait sentir notre dépendance dans la chose qui nous est la plus facile, dans laquelle nous éprouvons une certaine satisfaction, dans laquelle la chair ne manque pas de trouver son compte. Je ne dis pas que cette incapacité nous arrive sans qu’il y ait quelque faute, quelque négligence spirituelle, car la chair qui y prend plaisir ne peut être active dans la présence de Dieu, ni la chercher. Ainsi, nous nous relâchons intérieurement ; il n’y a pas la même intensité, le même besoin ; la présence de Dieu n’est plus comme auparavant, la source de joie pour nous ; elle ne nous fait pas besoin de la même manière. Notre amour envers l’Eglise est l’amour de Dieu envers l’Eglise, et elle n’en est l’objet qu’en tant que vue de Dieu selon l’amour dont il est la source. Elle ne porte plus le même caractère à nos yeux ; le motif de la prière manque dans la mesure où le lien avec la source est affaibli. – Mais en même temps, cher frère, tout ceci nous fait faire la découverte de la chair en nous, et nous comprenons par-là même plus profondément que tout est grâce. Dans l’état dont je parle, n’ayant pas la conscience de l’amour de Jésus pour l’Eglise, nous voyons plus facilement ses misères, et ces misères d’une manière plus pénible, moins comme des objets de sa sollicitude à lui, plus comme des choses pénibles pour nous, et, n’ayant pas la confiance qu’inspire son amour, nous en sommes découragés.

Vous avez parlé d’un sujet assez important, la responsabilité et sa liaison avec la grâce. Je crois qu’on peut très bien insister sur le dévouement, dans un esprit de grâce. Je désire que vous abondiez dans cette grâce aussi, comme fruit d’amour en nous. C’est ainsi qu’on encourage à ces choses. On ne produit pas le dévouement, car il est un fruit de la grâce, en blâmant l’affaiblissement dans le dévouement. Le dévouement qui découle [de ce blâme] n’est qu’une imitation, au fond mauvaise. En lisant les épîtres, vous trouverez facilement cette distinction. Au reste, si Dieu me le donne, je vous dirai un mot sur la liaison entre la responsabilité et la grâce, ou plutôt entre la grâce et la responsabilité. La place me manque pour le faire ici.

Quoiqu’il en soit, bien-aimé frère, rapprochez-vous du Seigneur, notre infiniment précieux et fidèle chef. La grâce qui est en lui convient à toutes nos circonstances, à tous nos états d’âme. Elle en est le remède et plus que cela, car nos misères ne sont que l’occasion de la connaissance de sa plénitude et de sa perfection. “J’ai vu l’affliction de mon peuple ;” il y avait bien d’autres choses à voir. – Au reste, le Seigneur est fidèle. La foi agit individuellement, bien qu’elle produise des effets communs, et même qu’il y ait une foi commune à laquelle Dieu répond. C’est à lui que je vous remets, bien-aimé frère.

Je crois que “fin du Seigneur,” en Jacques 5 v.11, signifie la fin en contraste avec le chemin. Pour nous, le chemin est la patience, mais la fin qui est dans les mains du Seigneur, est toujours miséricorde, comme on le voit en Job.

Votre affectionné frère.

J N Darby – Lettre No. 151

Plymouth, 25 août 1846

A M. Foulquier,

Ici, grâce à Dieu, nous sommes heureux ; les frères sont bien paisibles et font des progrès. Il m’a semblé que, dans l’exercice de la discipline, nous n’avons pas assez donné la première place à la prière. Sans doute, en des cas flagrants, la discipline doit s’exercer. Mais il y a mille cas contristant le Saint-Esprit, gênant son mouvement dans le corps, qui ne sont guère les sujets d’une discipline publique, mais n’empêchent pas moins la bénédiction générale.

Christ aime son Eglise ; nous sommes de sa chair et de ses os. Or souvent le cœur, au lieu d’être poussé à reprendre, devrait être poussé vers Jésus, pour que son amour se manifeste, envers cette âme, membre précieux de son corps, afin qu’elle soit guérie, restaurée. Si l’on pensait aux âmes comme aux membres de son propre corps, on s’intéresserait à ce qu’elles fussent en bon état selon sa grâce, et on compterait sur sa grâce pour que cela s’accomplît ; car il agit directement sur les âmes des siens, ainsi que sur les pécheurs pour les appeler. Il faut se souvenir, cher frère, que, pour les connaissances aussi bien que pour toute autre chose, elle s’acquièrent, quand elles sont vraies, par le Saint-Esprit, et qu’il agit librement dans sa sphère qu’il s’est formée par sa puissance qui agit en grâce ; ainsi si les objets dont il s’occupe, lui, ne possèdent pas nos cœurs, ces cœurs ne peuvent pas être remplis de sa connaissance dans la communion.

De là l’importance de l’état spirituel des frères pour la jouissance de cette communion, dont la nourriture sera la révélation des choses de Christ par l’Esprit. Sans cela, on cherchera un enseignement qui laisse l’âme à sa propre paresse, au lieu d’en jouir comme fournissant les moyens de communion spirituelle.

Il faut donc penser à l’état des âmes, et si nous ne savons pas agir directement sur elles, il faut beaucoup prier pour que la faim et la soif de Jésus prennent possession d’elles.

Dernièrement, nous avons lu ensemble l’épître aux Hébreux avec beaucoup de communion d’âme et, j’espère, à notre profit. Moi-même, j’ai été particulièrement occupé de l’épître aux Ephésiens, et de la position de l’Eglise comme économie ou objet spéciale des conseils de Dieu, et j’espère que j’en ai profité – plutôt en affermissant ma foi et les bases de cette foi qu’en étendant mes connaissances.

Mais la position de l’Eglise a été mise en relief devant moi dans cette lecture.

Avez-vous remarqué que, dans la consécration des sacrificateurs (dans le Lévitique), il n’était pas question d’entrer dans le lieu saint, ni avec du sang, ni avec de l’encens ? Tout était dehors. Moïse et Aaron y entrent après ; mais la consécration ne s’en occupait pas. Le bouc, offrande pour le péché, aurait dû être mangé. Ceci met le but ostensible de leur sacrificature comme telle, en deçà des choses célestes de l’Eglise. Le jour des expiations était autre chose. J’aimerais que vous pensiez à ce point-là. Christ, évidemment, occupe cette double place.

Moïse est le Christ rejeté par ses frères et élevé à la gloire, s’identifiant avec ses frères, étranger et méconnu, et revenant pour les libérer de leur esclavage. Dans le premier cas, il reçoit, lui élevé, son peuple en grâce. Dans le second, il vient comme l’un d’eux pour les délivrer.

Il y a aussi certains caractères du Saint-Esprit pendant cette économie, caractère qui lui sont propres : l’union avec le chef caché, élevé à la droite de Dieu, et les arrhes de la gloire à venir.

Il est évident que le Saint-Esprit sera répandu comme Esprit de puissance pendant les mille ans, mais ce ne sera plus la puissance d’une vie cachée avec Christ en Dieu. Il ne sera plus caché. – De plus, le sceau et les arrhes, pendant le non-accomplissementt des promesses, n’auront pas de place dans ce temps-là. Ce sont ceux qui ont espéré d’avance, qui ont besoin d’être ainsi scellés et d’obtenir ainsi les arrhes, et cela par un Esprit descendu qui les lie de cœur à Celui qui est monté.

L’Esprit a, me semble-t-il, deux caractères à la fin de l’évangile de Jean, même quant à son office.

1° Le Seigneur, comme Médiateur, l’obtient, et le Père l’envoie, et il agit de la part du Père comme Esprit d’adoption et de connaissance de la vérité. Il console et instruit les enfants ici-bas.

2° Mais aussi, 15 et 16, le Seigneur Christ élevé en haut, l’envoie lui-même ; alors il prend les choses de Christ et les montre aux siens ; et tout ce que le Père a est au Fils, c’est-à-dire qu’il rend témoignage à la gloire du Fils de l’homme élevé comme étant un avec le Père, et enfin à toute sa gloire…

Je termine, cher frère…

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