Hereford, 30 décembre 1853
A M. B. R.
Bien-aimé frère,
…Je crois que la Bête foulera aux pieds d’autres pays que ceux qui forment son corps. Je ne crois pas que l’Irlande fasse partie du corps de la Bête. L’aveuglement positif qui pèsera et pèse sur l’Angleterre lui sera épargné, mais elle sera sans doute sous le jugement qui viendra sur ceux qui vivent dans l’insouciance dans “les îles.” Je crois que Dieu s’en servira comme témoignage, que c’est la propre faute de l’Angleterre qu’elle soit aveuglée, et que l’Irlande sera jusqu’à un certain point un oasis, bien que le joug de l’Angleterre, qui favorise gouvernementalement le papisme, pèse sur elle. Elle sera un refuge, mais j’aime mieux me fier à Dieu, où que ce soit, qu’à l’Irlande ou aux Etats-Unis. Rien ne sera assez décidé, ni assez puissant, pour faire contrepoids à “la femme sur la Bête,” car la Russie est en dehors et a son chemin à elle. Dieu suffira infailliblement à tous ceux qui se confient en lui. Il fait contribuer toutes choses au bien de ceux qui l’aiment.
A l’égard de C. et de H. à Lausanne, c’est triste, sans doute ; et je crois que G. a de fait gêné les frères par sa manière d’agir. Les femmes se sont aperçues de cet esprit chez G. et le lui font sentir. Elles ont raison et tort à la foi. C. a, je l’admets, quelque chose à dire, et son silence tend à rétrécir les limites du bien qui se ferait à Lausanne. D’un autre côté, quant à ceux qui ont été exclus, je vous assure qu’on n’en a pas beaucoup de regret, sauf pour eux-mêmes. Ils sont membres de Christ, et Dieu me garde du péché de les mépriser, mais le mélange de spiritualité dans les formes, joint à l’effort de plaire au monde et à la conformité au monde, serait la ruine des frères et du témoignage. Il est bon que ce cher G. ait eu cette humiliation, car il est très entier et aime que les autres aillent comme il l’entend, mais à la longue, s’il apprenait ce que Dieu lui enseigne, Dieu le ferait sortir et les frères avec lui d’une condition où ils sont à l’étroit, pour les introduire dans un champ large de bénédiction. Le cher C., s’il avait eu un peu plus de foi, aurait pu être très utile. De fait, à Lausanne, personne n’a confiance en lui. Les cœurs qu’il gagne par son amabilité, ne lui font que du mal. J’ai fait auprès de lui ce que j’ai pu, mais il le prenait d’un peu haut. S’il y avait toujours là quelqu’un qui exerçât un ministère indépendant, de sorte que ce ne fût pas toujours G. seul qui agît, la difficulté disparaîtrait, mais c’est Dieu seul qui peut envoyer cela. En attendant, les frères ont la conscience de leur intégrité, et la chair de G. n’est pas pleinement mortifiée, et par son caractère et sa décision, c’est lui qui mène plus ou moins. C. qui ne jouit pas de la confiance des frères, a le sentiment de ses torts, et en a eu dans le sens qu’il a été froissé sans qu’on l’ait voulu. Le désir de servir le Seigneur avec intégrité se trouve chez les frères, mais ils l’ont sans que la chair, qui fait toujours du mal, soit assez mortifiée pour qu’elle ne devienne pas une pierre d’achoppement. J’espère qu’ils présenteront assez leur cas à Dieu pour que, après les avoir exercés et humiliés, il puisse les bénir malgré leur chair. Voilà où j’en étais quand j’ai quitté Lausanne. G. n’était pas tout à fait content ; j’ai remis la chose à Dieu. Il s’agissait de l’état de tous, non pas d’une décision à prendre, d’autant plus que je ne pouvais plus y rester. Les femmes pensent que je ne juge pas les choses à fond ; elles se trompent, mais je n’ai pas mes sentiments engagés comme elles ; seulement je puis remettre les choses à Dieu, parce que je crois qu’au fond les frères cherchent la gloire de Dieu avec intégrité. Je supporte les mécontents plus que les frères n’aimeraient, peut-être, car en admettant les griefs des frères à leur égard, et il y en a beaucoup, je crois que leur chair a en partie donné occasion à ce mécontentement, et on ne peut jamais justifier la chair. Mais j’ai confiance en Dieu.
Quant au frère H., mes rapports avec lui sont bons, et j’en reste là. Je ne crois pas qu’il ait assez de foi pour être en témoignage sous certains rapports. Les anciens dissidents ont leur caractère à eux. Dans le chemin de la foi, ils ont été reconnus, comme Dieu le fait toujours. Le monde les a trompés.
Je suis incapable de marcher, m’étant foulé le pied droit, mais Dieu, dans sa grande bonté, m’a donné de profiter beaucoup de mon temps avec la Parole.
Votre bien affectionné.